Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Pluies acides

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

[interruption des émissions]

Le duo Soleil et effet de serre

Émission du 24 juillet 2004

Nous connaissons relativement bien l¹histoire antérieure de notre Soleil, nous pouvons extrapoler, et ainsi nous projeter dans le futur.

Né dans l'obscurité d'une nébuleuse opaque, notre Soleil fut d'abord plus brillant, puis ensuite moins brillant qu'aujourd'hui. Dans le futur, il deviendra de plus en plus lumineux jusqu'à sa mort, dans environ cinq milliards d'années.

Cette évolution nous intéresse particulièrement, parce qu'elle affecte la température à la surface de la Terre.

Au moment — il y a plus de quatre milliards d'années — où la surface terrestre s'était suffisamment refroidie pour que la vapeur d'eau de son atmosphère primitive puisse se concentrer en gouttelettes et tomber en pluie sur le sol, le Soleil ne brillait qu'à 72 % de son éclat actuel. La Terre avait alors quelques millions d'années. À l'époque, et dans ces conditions, la température moyenne de la surface terrestre aurait dû être de plusieurs dizaines de degrés en-dessous de zéro, et l'eau aurait dû être à l'état de glace. Mais, fort heureusement pour le développement de la vie, la Terre était enveloppée d'une épaisse atmosphère contenant de grandes quantités de gaz carbonique et de méthane. Grâce à l'énorme effet de serre provoqué par ces substances, l'eau est restée à l'état liquide, et des nappes aquatiques se sont constituées, dans lesquelles la vie a pu apparaître, et s'épanouir. Ainsi, l'effet de serre, si redouté aujourd'hui, a, dans le lointain passé, joué un rôle éminemment bénéfique.

Depuis cette période, la luminosité du Soleil continue à croître, atteignant progressivement 85 % de son éclat présent il y a deux milliards d'années, puis 92 % il y a cinq cents millions d'années, quand les premiers organismes vivants ont émergé des océans.

Parallèlement, la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère diminuait considérablement, réduisant d'autant l'effet de serre. Pourtant, cet effet joue encore un rôle prépondérant dans l'état physique de l'eau terrestre. S'il était complètement absent (s'il n'existait nul gaz à effet de serre dans notre atmosphère), la température terrestre serait de -15 degrés, et notre planète serait recouverte de glace.

Ces données historiques nous permettent de mieux appréhender les événements contemporains.

Les industries humaines ont relancé à la hausse la concentration de gaz carbonique et de méthane qui s'était stabilisée depuis plusieurs milliers d'années. Cette concentration croissante a entraîné, et entraîne encore, un réchauffement progressif de la planète, dont nous avons déjà évoqué les répercussions dans les chroniques précédentes.

Parlons maintenant de la luminosité de notre Soleil dans le futur, et des conséquences prévisibles pour notre planète : il deviendra lentement de plus en plus lumineux. Dans un milliard d'années, il aura gagné 10 % par rapport à sa valeur d'aujourd'hui, et 25 % dans trois milliards d'années. Vers cinq milliards d'années, les évènements vont s'accélérer. Sa couleur va passer du jaune au rouge, et son volume enfler prodigieusement. Il deviendra une étoile « géante rouge », semblable à celles que nous avons sous les yeux par les belles nuits d'été : Bételgeuse, dans la constellation d'Orion, Aldébaran, dans le Taureau, et la somptueuse Antarès dans le Scorpion, au Sud, l'été.

Pendant cette phase, la sphère solaire gonflera démesurément. Elle volatilisera tour à tour les planètes voisines : Mercure d'abord, puis Vénus, puis notre planète et sa Lune, et vraisemblablement aussi la planète Mars. Les substances solides de ces planètes seront absorbées par le Soleil, et se confondront avec ses couches gazeuses supérieures. Les planètes géantes, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune seront réchauffées et pourraient devenir habitables …

À quand le grand déménagement ?