Hubert Reeves

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Émission du 20 novembre 2004

Nous poursuivons nos réflexions sur le thème : « Qu'est-ce qui pourrait provoquer l'élimination de l'espèce humaine, ou du moins son affaiblissement à un point tel qu'elle ne soit plus en mesure d'être l'agent de détérioration de la biosphère qu'elle est aujourd'hui, et qui amènerait la fin de la sixième extinction ? »

Voici une nouvelle cause, en relation avec les progrès technologiques sans cesse croissants qui portent en eux leurs propres risques :

L'histoire de l'humanité est ponctuée de guerres tout aussi cruelles les unes que les autres. Ce qui change au cours du temps, c'est la puissance destructrice des armes utilisées.

Grâce aux progrès des armes (avions, bombes, etc), les guerres mondiales ont réussi à exterminer 2 % de la population humaine : 50 millions de victimes sur une population de 2,5 milliards à cette époque. Si Hitler avait réussi à développer la bombe atomique en 1944, ces nombres auraient été certainement beaucoup plus élevés.

Par la suite, une guerre nucléaire entre les U.S.A. et l'U.R.S.S., pendant la période dite de la «terreur nucléaire», entre 1950 et 1980, alors que cinq mille mégatonnes d'explosifs pouvaient arroser la planète, aurait réduit considérablement la population planétaire. On parle d'un milliard de victimes dans les quinze minutes qui auraient suivi le déclenchement des hostilités (le temps de vol des fusées à ogives multiples), et de plusieurs milliards de victimes des effets secondaires (radioactivité, désorganisation des services sanitaires, etc) dans les mois qui suivent. Plus de la moitié de la population planétaire aurait pu disparaître.

Fort heureusement, l'époque de la terreur nucléaire s'est terminée après 1980, quand les chefs des deux superpuissances, prenant conscience de l'imminence du danger et de la gravité de la situation, ont décidé d'arrêter cette escalade absurde, et de commencer le démantèlement des arsenaux nucléaires.

Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de scénario vraisemblable d'une guerre nucléaire mondiale, même si plusieurs puissances (Pakistan, Inde, Corée, …) poursuivent la préparation d'armes nucléaires.

Les inquiétudes nouvelles nous proviennent des progrès dans le domaine des armes biologiques (possibilité de provoquer des épidémies de maladies infectieuses aux dimensions imprévisibles), et surtout, grâce à la facilité d'obtention des renseignements cruciaux par les réseaux informatiques (Internet, etc), possibilité pour des groupes terroristes, même de petites dimensions et sans grand budget, de déclencher de telles attaques.

En résumé, nous avons envisagé les différentes causes qui pourraient affecter gravement la population humaine et provoquer son élimination, tout comme elle est responsable elle-même de l'élimination aujourd'hui d'un nombre croissant d'espèces vivantes.

Le danger le plus grave ne vient pas de l'extérieur, mais du développement des créations de l'intelligence elle-même, et de son incapacité apparente à gérer ses propres inventions.

C'est le mythe de l'apprenti-sorcier, mais cette fois privé, contrairement à la situation de ce conte, du maître-sorcier qui vient à son secours.