Hubert Reeves

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Émission du 25 décembre 2004
(diffusée par erreur le 18 décembre)

Aujourd'hui, et comme dans les causeries précédentes, nous allons utiliser le fait que la vie terrestre se perpétue sans interruption depuis près de quatre milliards d'années pour examiner les phénomènes astronomiques qui auraient pu l'exterminer.

Qu'il s'agisse de la vie microbienne existant depuis plus de trois milliards d'année, ou d'organismes multicellulaires existant depuis près d'un milliard d'années, ces êtres nous donnent la certitude que des événements qui auraient été possibles ne se sont en réalité pas produits.

Le phénomène qui, plus que tout autre, serait passible de jouer un rôle majeur sur l'évolution de la vie, ce serait l'explosion d'une étoile en supernova au voisinage du système solaire. Un tel événement, qui ponctue la mort d'une étoile massive, peut s'observer jusqu'à plusieurs milliards d'années-lumière de la Terre tant l'astre brille comme plus d'un milliard de fois notre Soleil.

Comme une gigantesque bombe atomique qui explose, une supernova émet sur toutes les longueurs d'onde, en particulier en rayonnement gamma, particulièrement néfaste pour les organismes vivants. Une supernova à quelques années-lumière de la Terre (la distance des plus proches étoiles) suffirait à éradiquer la vie continentale. La vie aquatique serait mieux protégée parce que l'eau absorbe le rayonnement gamma.

Ces phénomènes de supernovæ ont été observés une vingtaine de fois dans notre galaxie. C'est du moins le nombre que l'on trouve dans les annales de l'observation astronomique. Les plus anciens remontent à plus de deux mille ans. Cependant, à cause de la position de notre planète dans le plan de la Voie lactée, de nombreux cas ont dû nous échapper, leur lumière, absorbée par l'opaque matière du plan galactique, ne nous étant pas parvenue.

Une étude statistique sur l'ensemble des galaxies voisines montre que, pour chaque galaxie, la fréquence des supernovæ est d'environ deux à trois par siècle. Ainsi, un simple calcul montre que, depuis l'apparition de la vie microbienne, il y a eu environ cent millions de supernovæ. Et depuis l'apparition des organismes multicellulaires, environ trente millions.

Si ces supernovæ avaient eu lieu au hasard dans le volume de la galaxie, une au moins aurait explosé à moins de cent années-lumière de la Terre. Mais, de plus, ces explosions se situent très généralement dans les bras spiraux de la galaxie, ce qui augmente la probabilité qu'elles aient eu lieu près du Soleil, avec les conséquences néfastes que l'on imagine. Puisque la vie a perduré, nous pouvons exclure qu'une explosion ait eu lieu à faible distance du Soleil, pendant le dernier milliard d'années.

Voyons d'autres phénomènes qui auraient pu exterminer la vie. Les phénomènes reliés au périple du Soleil autour du centre de la galaxie auraient pu également jouer un rôle.

Premier exemple : la plongée du Soleil dans une nébuleuse opaque comme celle que nous observons dans la Voie lactée.

Le Soleil parcourt une révolution complète autour de la galaxie en deux cents millions d'années, et il a dû traverser plusieurs dizaines de fois les bras spiraux de notre galaxie, contenant chacun une cargaison de nébuleuses opaques.

Quels pourraient être les effets sur la biosphère d'une plongée dans ces bras ? Vraisemblablement, la matière nébulaire provoquerait une diminution sensible de l'insolation solaire pendant plusieurs millions d'années. Plusieurs auteurs ont tenté de relier ces passages opaques aux grandes extinctions de notre paléontologie terrestre, mais les évidences en faveur de cette corrélation ne sont guère convaincantes.

Autre risque évité : un passage du Soleil suffisamment près d'une autre étoile, à moins d'une année-lumière, par exemple. Cela aurait pu considérablement perturber les orbites des planètes du système solaire, avec des répercussions potentiellement catastrophiques pour la vie terrestre. Un tel passage ne s'est manifestement pas produit.

En résumé au cours des causeries précédentes et de celle-ci, nous avons additionné des déductions d'ordre géologique, planétologique et astronomique, et cela à partir du constat bien établi selon lequel la vie existe en permanence sur Terre depuis plus de trois milliards d'années.

Note du webmestre :

Cette chronique a été diffusée par erreur le 18 décembre 2004. Nous la faisons néanmoins apparaître ici sous la date du 25 décembre 2004, afin de respecter la chronologie initialement prévue.