Hubert Reeves

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Le rayonnement fossile

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Émission du 26 mars 2005

Nous revenons aujourd'hui sur cette image du cosmos que nous donne le rayonnement fossile, détecté pour la première fois en 1965, et observé de nombreuses fois depuis par des radio-télescopes millimétriques de plus en plus puissants. Je spécifie qu'il ne s'agit pas d'une image de synthèse, mais bien d'un document photographique authentique des premiers moments du cosmos …

Dans le cadre de la théorie du Big Bang, cette image à été émise quand l'univers avait environ quatre cent mille ans. Ça n'est donc pas le moment initial, mais presque … Quatre cent mille ans, c'est peu par rapport aux quatorze milliards d'années qui se sont écoulées du Big Bang jusqu'à aujourd'hui …

Ce rayonnement à été émis à un moment où la température moyenne de l'univers était d'environ trois mille degrés Celsius. Aujourd'hui, elle est de moins deux cents soixante dix degrés Celsius (soit trois degrés absolus). L'époque de l'émission du rayonnement fossile correspond au moment où sont apparus dans l'univers les premiers atomes d'hydrogène. Auparavant, la température était trop élevée pour que ces atomes existent : leurs constituants, électrons et protons, n'arrivaient pas à se combiner. L'univers se présentait alors comme un vaste plasma analogue à ceux que nous trouvons dans nos tubes fluorescents. C'est donc, en un certain sens, l'avènement des premiers atomes que commémore pour nous l'émission du rayonnement fossile.

Nous est-il possible d'observer des moments encore plus anciens de l'univers ? En principe oui. Non pas avec les photons qui véhiculent la lumière, mais avec d'autres particules beaucoup plus pénétrantes. Comme les rayons X peuvent pénétrer le corps humain, tandis que la lumière visible en est incapable, les neutrinos et les gravitons (qui véhiculent la gravité) pourraient nous donner accès à des périodes bien antérieures. Les neutrinos pourraient remonter jusqu'à la première seconde de l'univers, tandis que les gravitons nous donneraient pratiquement accès au Big Bang lui-même.

Les difficultés ne sont pas d'ordre théorique, mais technique. Les neutrinos sont particulièrement difficiles à détecter. En fait, nous n'avons aujourd'hui aucune idée des méthodes qu'il faudrait utiliser pour observer ce qu'on pourrait appeler, en analogie avec le rayonnement fossile de photons détecté en 1965, le rayonnement fossile de neutrinos. Le principal problème vient de leur très faible énergie, qui les rend hautement insensibles à nos instruments traditionnels.

Pour les gravitons, la situation est meilleure : des détecteurs de ces particules, sous forme d'ondes gravitationnelles, sont pratiquement déjà à l'état opérationnel aux États-Unis et en Europe. Une nouvelle astronomie s'ouvrira bientôt, riche de promesses pour notre exploration du cosmos. Les premiers signaux devraient être enregistrés d'ici quelques années. Au départ, il s'agira vraisemblablement de la détection d'événements relativement récents, d'origine stellaire et galactiques. Et peut-être, espérons-le, d'événements beaucoup plus anciens, reliés aux premières millisecondes — ou même microsecondes ! — de la vie de l'univers. Tout est possible, et de merveilleuses surprises nous attendent peut-être. L'astronomie est vraiment un domaine très excitant.