Hubert Reeves

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Les vitesses des galaxies

Émission du 2 juillet 2005

Nous reprenons aujourd'hui l'image, fournie par le télescope Hubble, du « deep field » : le champ profond des galaxies parsemées à perte de vue dans l'espace. Nous avons déjà mentionné qu'elles s'éloignent les unes des autres dans un vaste mouvement à l'échelle du cosmos (l'univers en expansion). Les plus lointaines, visibles sous l'apparence de petits points bleus sur l'image, s'éloignent de nous à des vitesses atteignant 90 à 95 % de la vitesse de la lumière — qui est de 300 000 kilomètres à la seconde.

Pourquoi ne voyons-nous pas de galaxies encore plus lointaines ? La réponse est simple : parce qu'elles s'éloignent plus vite que la lumière et qu'en conséquence, leur lumière ne peut pas nous atteindre.

Aller plus vite que la vitesse de la lumière ? Comment est-ce possible ? On nous a appris que, selon la Théorie de la Relativité d'Einstein, la vitesse de la lumière est une limite indépassable !

Cette référence est tout à fait correcte … et pourtant … il faut revenir une fois de plus à Einstein, décidément incontournable, et examiner de plus près la notion de « vitesse de galaxie ».

Dans la théorie du Big Bang, c'est l'espace lui-même qui est en expansion. Chaque galaxie est comme fixée en une région de l'espace et se trouve entraînée dans son expansion.

Une comparaison aidera à comprendre. Imaginons une membrane de caoutchouc. Dessinons sur elle de petites icônes de galaxies, en les parsemant, ici et là, comme sur la photo du champ profond. Puis, étirons maintenant cette membrane dans toutes les directions. Bien que fixées sur la membrane, les petites icônes paraîtront s'éloigner les unes des autres, alors que c'est leur support qui s'allonge dans tous les sens … Si cette membrane est suffisamment grande, grande comme l'univers par exemple, rien n'empêche d'atteindre la vitesse de la lumière, et même de la dépasser. Si notre membrane est de dimensions infinies, les vitesses pourraient elles mêmes être infinies.

En d'autres mots, les mouvements des galaxies ne sont pas des mouvements de type ordinaire. Ils sont provoqués par la géométrie de l'espace dans lequel nous vivons, et en particulier par le fait que cet espace est en expansion. Grâce à cette expansion, elles peuvent atteindre de grandes vitesses si elles sont suffisamment éloignées. Et plus elles sont loin, plus elles s'éloignent vite. C'est bien là le résultat de la campagne d'observations d'Edwin Hubble entre 1920 et 1930.

Cette réflexion nous permet d'aborder une nouvelle notion, celle de l'horizon de l'univers observable : c'est la distance la plus lointaine de ce que nous sommes en mesure d'observer avec nos télescopes. On appelle cette distance : « rayon de l'univers observable ».

Cette distance est voisine de la distance parcourue par la lumière depuis le début de l'univers (qui a 13,7 milliards d'années). Des considérations géométriques liées à l'expansion assignent à ce rayon de l'univers observable une valeur à peu près deux fois plus grande : on peut dire vingt-cinq milliards d'années-lumière.