Hubert Reeves

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Propriété de l'espace cosmique

Émission du 10 septembre 2005

Les univers miroirs, décrits à l'aide de mes souvenirs d'enfance chez le barbier de Côte-des-Neiges à Montréal, nous ont amenés à la notion de la topologie de l'espace cosmique. Nous y revenons aujourd'hui pour établir une distinction entre la topologie et la géométrie de l'espace cosmique dans lequel nous habitons, avec toutes les étoiles et toutes les galaxies visibles dans l'image du champ profond prise par le télescope Hubble.

Nous avons déjà discuté de la géométrie de cet espace il y a plusieurs semaines. Contrairement à la surface de la Terre, qui est courbe (à 2 dimensions), les observations du rayonnement fossile nous ont appris que l'espace cosmique ne possède aucune courbure (à 3 dimensions).

La géométrie s'emploie à décrire les propriétés d'un espace en un endroit précis. Sur une surface terrestre, disons par exemple une chaîne de montagnes, on rencontrera successivement des surfaces planes (les flancs des montagnes) ou des surfaces courbes (le fond des vallées).

La topologie entend décrire un espace dans sa globalité. La surface courbe d'une sphère est différente de la surface courbe d'une chambre à air en ce sens que la seconde est perforée et non la première : il y a un trou au centre de la chambre à air ; il n'y a pas dans une sphère (si elle n'a pas été abîmée …). D'autres formes possèdent plusieurs trous : les fougasses provençales, par exemple, ou les pages perforées d'un album photo. Dans tous ces exemples, les topologies diffèrent, et se distinguent à partir de la propriété globale de n'avoir aucune, ou d'avoir une ou plusieurs perforations, par exemple (il y a d'autres critères, aussi).

La semaine dernière, nous avons posé deux questions : « Quelle est la topologie de l’espace cosmique ? » et « Comment pourrait-on la déterminer ? »

Nous avons mentionné comment certaines topologies pourraient, en astronomie, avoir des effets semblables à celui des miroirs dans la boutique du barbier, c'est-à-dire reproduire un grand nombre de fois l'image d'une même galaxie. On pourrait ainsi penser que certaines galaxies lointaines dans l'image du champ profond seraient, en fait, des images-fantômes de notre propre galaxie, par exemple … Nous verrions donc la Voie Lactée, non pas telle qu'elle est maintenant, mais telle qu'elle était dans un lointain passé. En effet, l'image étant située très loin dans l'espace, la lumière qui en proviendrait aurait mis beaucoup de temps à nous rejoindre. Nous pourrions ainsi voir l'aspect de notre galaxie, il y a des millions, des milliards d'années … Et si ces images sont nombreuses, on disposerait ainsi d'une galerie de visions de plusieurs périodes de l'histoire de notre galaxie.

Malheureusement, ce beau rêve ne semble pas pouvoir se réaliser. Si de telles images-fantômes existent vraiment — c'est possible —, elles sont, selon les résultats, vraisemblablement situées au-delà de l'horizon de l'univers visible, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas les voir.

Dommage …

Les résultats préliminaires demeurent encore controversés. Nous attendons avec impatience le lancement d'un nouveau satellite, nommé Planck (du nom du physicien), qui nous donnera sans doute des informations beaucoup plus précises. Il devrait être mis en orbite en 2007.

Patience …

Note du webmestre :

Les chroniques des 3, 10 et 17 septembre 2005 ont été diffusées dans un ordre erroné. Celle-ci a, en réalité, été diffusée le 3 septembre 2005. Nous la faisons néanmoins apparaître ici sous la date du 10 septembre 2005, afin de respecter la chronologie initialement prévue.