Hubert Reeves

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Émission du 19 novembre 2005

Les trous noirs (2)

Les trous noirs ne sont pas une simple vue de l'esprit, ils existent en très grand nombre dans notre univers. La théorie de la « Relativité Générale » d'Einstein — qui a introduit le concept de trous noirs — a été magnifiquement confirmée par leur détection dans le ciel. Le plus proche de nous se trouve à environ trois mille années-lumière au-dessus de nos têtes, à la fin des belles soirées du mois d'août, dans la constellation du Cygne.

Les trous noirs existent en deux populations distinctes, caractérisées par leurs masses. La première population contient des astres dont la masse est à peu près celle du Soleil, confinée en une sphère d'une dizaine de kilomètres de rayon (pas plus que le diamètre d'une grande ville !). Ils sont répartis un peu partout dans le volume des galaxies. Le trou noir du Cygne en est un exemple.

Ces trous noirs se forment au moment de la mort des étoiles les plus massives de notre galaxie. Tout au long de leur existence, les étoiles tirent leur énergie des réactions thermonucléaires qui se produisent dans leur cœur torride (atteignant des températures de dizaines ou de centaines de millions de degrés). Quand elles ont épuisé leur carburant nucléaire, elles s'effondrent sur elles-mêmes. Le noyau résiduel, contracté par l'effet de leur puissante gravité peut former un trou noir. Ainsi, depuis la naissance de la galaxie, des générations d'étoiles ont engendré de tels astres dans l'immensité interstellaire. Il y a en vraisemblablement plus d'un milliard dans notre galaxie, la Voie Lactée, comme dans chacune des galaxies de l'univers.

Comment connaissons-nous leur présence ? Ces astres condensés agissent comme des aspirateurs géants qui engouffrent tout ce qui passe à leur proximité. La matière, prise au piège comme dans un maelström, s'approche progressivement du trou noir en tournoyant autour de lui, tourbillonnant comme l'eau d'une baignoire qui se précipite dans le trou de vidange. Le tout forme ce que nous appelons un « disque d'accrétion ». Plus les masses capturées approchent du trou noir, plus leurs mouvements s'accélèrent, et, à cause de cette agitation croissante, plus elles s'échauffent. À cause de cet accroissement de la température, elles s'illuminent, et émettent des rayonnements de plus en plus puissants, de plus en plus intenses, jusqu'à devenir des sources de rayonnement X. C'est sous cette forme que nous les détectons, avec des télescopes appropriés installés à bord de satellites en orbite au-dessus de notre atmosphère. C'est ainsi que ces trous noirs qui n'émettent aucune lumière nous deviennent indirectement visibles. Leur étude forme l'objet d'un grand chapitre de l'astronomie contemporaine.

Comme tous les astres du ciel, les trous noirs tournent sur eux-mêmes. Déterminer leur vitesse de rotation est évidemment particulièrement difficile, à cause justement de l'impossibilité de les observer directement. Mais, encore une fois, l'étude détaillée de la lumière émise par le disque formé par la matière aspirée vers leur surface pourrait nous venir en aide. Des techniques nouvelles sont en préparation pour déterminer leur période de rotation et connaître ainsi, de mieux en mieux, ces étranges habitants du cosmos.