Hubert Reeves

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Les pulsars

Émission du 18 juin 2006

En 1967, une jeune astronome anglaise, Jocelyn Bell, opérant un radio-télescope, détecte des signaux bizarres dans une région du ciel : au lieu de la « friture » habituelle, elle reçoit une séquence très régulière de bip-bip-bip-bip … Trente bips par seconde ? Cela ressemble à du morse ultra-rapide, ou de la TSF. S'agirait-il d'un message codé en provenance d'une source céleste ? Une manifestation, depuis si longtemps attendue, d'extra-terrestres !!!

La séquence se poursuit, monotone, bip, bip, bip, bip, avec une extraordinaire régularité : un métronome céleste. Les extra-terrestres manqueraient-ils d'imagination ?

L'hypothèse d'une émission par des extraterrestres ne tient plus. Il faut chercher ailleurs. On ouvre les vannes de l'imagination. Une étoile qui s'allumerait et s'éteindrait trente fois par seconde ? On connaît déjà des étoiles, dites variables, dont l'éclat change rapidement, qui faiblissent et s'intensifient régulièrement, mais jamais à cette vitesse, et surtout pas avec cette stupéfiante régularité.

Étudiant à Cornell, aux USA, je me souviens du moment où un de nos enseignants, Thomas Gold, nous a présenté son idée. « Qu'est ce qui apparaît et disparaît à nos yeux, la nuit, et pourtant ne s'éteint jamais ? Un phare ! ». Tournant sur elle-même, la source lumineuse balaie le ciel, et rencontre notre regard avec une parfaite régularité.

« Imaginons », disait Gold, « une étoile qui n'émettrait de la lumière qu'à partir de régions bien délimitées de sa surface » (contrairement au Soleil, par exemple, dont toute la surface est lumineuse). « Supposons que cette étoile tourne sur elle-même à grande vitesse. Elle ferait alors office de phare céleste, et semblerait à nos yeux s'allumer — bip — et s'éteindre chaque fois que sa lumière rencontrerait nos radio-télescopes ! ». L'idée fut acceptée avec enthousiasme.

Aujourd'hui, nous avons répertorié une centaine de ces astres intermittents que nous appelons des « pulsars ». Certains pulsent près de mille fois par secondes.

Les pulsars sont des étoiles de très petites dimensions, quelques dizaines de kilomètres à peine, appelés « étoiles à neutrons ». Il s'agit du résidu stellaire qui apparaît suite à la mort d'une étoile massive sous forme d'explosion. Alors que ses couches supérieures sont projetées avec violence dans l'espace, son noyau central se contracte, et se met à tourner à grande vitesse. Pour des raisons que nous connaissons mal, seules les régions des pôles magnétiques de l'étoile restent encore émettrices de lumière. D'où la configuration de phare.

Pour la petite histoire, rappelons que le prix Nobel pour cette découverte fut attribué non pas à Jocelyn Bell, mais à son patron, provoquant un mini-scandale dont on parle encore dans la communauté scientifique.