Hubert Reeves

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Les tremblements d'étoiles

Émission du 25 juin 2006

Comme notre planète, le Soleil et les étoiles sont sujets à de grandes vibrations qui se propagent dans tout leur volume. Si on pouvait les entendre, d'innombrables ondes sonores, étalées sur une vaste gamme de fréquences, donneraient l'impression d'émerger d'un orgue gigantesque jouant dans le registre le plus extrême. Fort heureusement pour nous, l'absence d'air entre le Soleil et la Terre ne permet pas à ces sons de rejoindre nos oreilles. Autrement, nous en serions dangereusement assourdis …

La source de ces ondes se situe près de la surface de l'étoile, dans les couches supérieures, où la matière stellaire est en furieuse ébullition. Cette région, appelée « zone convective », est constamment agitée par le passage de la chaleur dégagée au centre de l'étoile, et diffusée vers l'espace interstellaire.

Ces ondes se propagent dans tout le volume du Soleil, certaines restant près de la surface, d'autre pénétrant jusqu'au centre.

En revenant vers la surface, ces ondes agitent les atomes qui émettent la lumière solaire, et en font varier la température et les longueurs d'onde (la couleur). L'intensité lumineuse oscille avec des périodes voisines de cinq minutes. Au télescope, on enregistre ces variations de la lumière en différents endroits de la surface solaire.

De même que l'observation des ondes sismiques de la Terre nous permet d'en ausculter les zones internes, de même ces oscillations solaires nous donnent de précieux renseignements sur la constitution de notre étoile. En effet, les ondes ne se propagent pas à la même vitesse dans différents milieux. Grâce à l'analyse détaillée de ces variations d'intensité, on connaît maintenant avec une précision assez satisfaisante les profils de densité, de température, de pression, de composition chimique, de rotation et de champ magnétique de notre astre, pratiquement jusqu'au centre.

On a pu ainsi confirmer les modéles théoriques bâtis précédemment sur la seule base des données de surface, en y associant les lois de la physique.

De là, une nouvelle science est née, appelée « héliosismologie ». Elle a joué un rôle de premier plan dans la résolution d'une énigme qui se posait déjà depuis plusieurs décennies : le « mystère des neutrinos solaires ». Les détections de neutrinos solaires montraient en effet un déficit important par rapport aux attentes des théoriciens ; il en manquait plus de la moitié. Maintenant, nous connaissons la cause de ce déficit : il y trois variétés de neutrinos, et nos télescopes neutriniques n'en détectaient qu'une seule des trois. Aujourd'hui, grâce à l'héliosismologie, les modéles solaires et la physique sont réconciliés.

On s'intéresse maintenant aux tremblements d'autres étoiles. La situation est beaucoup plus difficile ; on ne peut pas encore en observer les détails de la surface, comme pour le Soleil. Mais les projets progressent rapidement, et on peut espérer avoir bientôt des renseignements passionnants sur leur structure interne.