Hubert Reeves

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Se conduire comme une bête, le propre de l’homme ?

Publié le 16 août 2014 dans Le Point.fr

Des expressions toutes faites font des animaux des êtres sans intelligence et cruels. Il est temps de revoir nos préjugés, estime Hubert Reeves.

Tigres de Sibérie
Des tigres de Sibérie. © Vitaliy Ankov/RIA Novosti

Une tradition, qui date sans doute de la proverbiale nuit des temps, considère l’humanité comme le chef-d’œuvre de la création. Aux animaux, perçus comme des êtres inférieurs, on associe des attributs dévalorisants : ils sont dits stupides, sans intelligence, ou tout simplement bêtes. Le mot parle de lui-même. On va plus loin en leur collant des comportements méchants : se conduire comme une bête, une cruauté bestiale.

Les observations de la science qui étudie le comportement animal, l’éthologie, nous ont amplement montré l’ineptie de cette vision du monde animal. Les manifestations géniales du comportement de certains animaux (abeilles, fourmis, dauphins, corneilles, pieuvres, etc.) nous révèlent l’existence de formes d’intelligence animale stupéfiantes. De même, la notion de méchanceté attribuée à certaines espèces animales (tigres, crocodiles, etc.) est totalement déplacée et n’a rien à voir avec la méchanceté manifestée par les humains : torture, oppression, sadisme. L’écrivain anglais George Bernard Shaw écrit : Quand un tigre tue un homme, on crie à l’horreur ; quand un homme tue un tigre, on parle de sport.

Nous-mêmes, des animaux

Ces changements dans notre vision du monde devraient s’accompagner d’une révision du vocabulaire. Il conviendrait, pour chacun, d’exclure de ses écrits et de ses paroles les termes se conduire comme une bête, une cruauté bestiale. Les mots utilisés dans la vie courante sont passibles d’affecter insidieusement les modes de pensée et les comportements.

Notons pour terminer que, grâce à Darwin, nous avons appris que nous sommes, nous-mêmes, des animaux. Et en fait, nous sommes les seuls à pouvoir manifester de la cruauté…