Hubert Reeves

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Pourquoi je suis favorable au principe de précaution

Publié le 9 octobre 2014 dans Le Point.fr

Selon Hubert Reeves, la précaution est une incitation à conduire des travaux exploratoires. Et se révèle finalement utile au progrès et aux sciences.

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Photo d’illustration. © Ghislain et Marie David de Lossy / AFP

Depuis le début de l’ère industrielle, la technologie scientifique joue dans notre monde un rôle de plus en plus important. Elle influence massivement le devenir de nos sociétés. Il suffit de mentionner ici les manipulations fabriquant des OGM, la production de molécules nouvelles pour la pharmacopée, et les recherches en technologie nucléaire pour la production d’énergie civile. Il faut savoir se placer dans le cadre de la crise contemporaine. En particulier dans celui de la pollution chimique due à de nouveaux produits dont les effets se font sentir jusque chez les populations de l’Arctique. À la destruction massive des abeilles par des produits non suffisamment testés…

On a évalué à près de deux milliards d’euros le désamiantage de l’université de Jussieu. À cela il faut ajouter le cas des bâtiments de Radio France et de la tour Montparnasse. Voilà des sous qui seraient bien utiles aujourd’hui. Les caisses de l’État sont vides… Et comment oublier les nombreux cas de décès par cancer des poumons, attribués à cette substance chez les utilisateurs de ces lieux ?…

Une incitation à conduire des travaux exploratoires

En conséquence, il devient fondamental d’étudier les impacts possibles de toutes nouvelles découvertes et applications avant de les mettre en œuvre. Le temps n’est plus où le scientifique pouvait vivre hors du monde, dans sa légendaire tour d’ivoire, et donner libre cours à son esprit inventif sans aucun souci de l’impact de ses projets sur la nature et la société. Surtout, face à une opinion publique maintenant échaudée, le temps n’est plus où les décideurs économiques et politiques pouvaient soutenir de tels projets. Le principe de précaution a été énoncé en 1994 par les Nations unies, de la façon suivante : Quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l’absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour différer l’adoption de mesures.

Plusieurs voix se sont élevées récemment contre ce principe, arguant qu’il constituerait un frein à la recherche, et donc à l’imagination humaine. Je crois, à l’inverse, qu’il est une incitation à conduire des travaux exploratoires. Cela oblige à des décisions transitoires pour accroître les connaissances dans le domaine concerné et de nouvelles données résulteront d’autres décisions… Obtenir la quasi-assurance que les découvertes n’auront pas d’effets désastreux, à court ou à long terme, permet alors aux décideurs d’engager plus sereinement leur responsabilité. Le principe de précaution est une incitation fondamentale à la vigilance qu’impose la situation planétaire.