Hubert Reeves

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Publié le 23 juin 2015 dans Le Point.fr

Le pape François s’invite dans le débat écologique mondial. Hubert Reeves s’en réjouit et espère qu’il sera imité par les chefs des autres religions.

Le Pape François
La démarche du pape François débouchera-t-elle sur une action commune des différentes grandes religions ? © ANDREAS SOLARO / AFP

Rompant avec la tradition qui veut qu’une encyclique soit destinée au seul monde catholique, le pape François s’adresse au monde entier. Le courage et l’énergie avec lesquels il affronte les puissants de la terre pour la sauvegarde de l’humanité suscitent l’admiration. Il aborde la situation environnementale avec un argument moral particulièrement puissant : celui de la responsabilité. Le profit économique peut-il justifier de faire courir à l’humanité entière le risque de péril extrême ?

Selon les informations les plus récentes, le seuil de réchauffement de deux degrés supplémentaires de température — à ne pas franchir pour ne pas atteindre un état annoncé « ingérable » — risque fort d’être dépassé. Cela provoquera très vraisemblablement des événements climatiques d’une grande violence : tempêtes, périodes de canicule ou de froid inhabituelles, sécheresses, inondations catastrophiques, érosion dramatique de la biodiversité. On s’attend à de grands nombres de victimes, à des exodes de millions de personnes, à de grandes famines…

Obstination à faire perdurer les émissions de CO2

Sur qui en faire tomber la responsabilité, sinon, d’abord sur ceux qui s’acharnent à faire rechercher, pour les exploiter, les ultimes réserves des carburants fossiles, pétrole charbon, gaz naturel (gaz de schiste…) ? Cette obstination fait perdurer les émissions de CO2 qu’il faudrait réduire de 60 à 80 %. On les augmente chaque année de 2 à 3 % … Ensuite sur les institutions financières qui fournissent l’argent nécessaire, soucieuses avant tout de placements rentables pour les actionnaires (fonds de pensions, assurances, fortunes personnelles). Et aussi sur les États qui agissent toujours à court terme. Déjà, de nombreuses institutions financières ont pris conscience de cette situation et retirent leurs avoirs de ces activités mortifères pour les déposer en faveur d’activités moins litigieuses. Ce mouvement qui porte le nom de « désinvestissement » s’étend déjà à plusieurs universités, dont Stanford, Yale, Harvard, Glasgow et Oxford… Le Swarthmore College aux États-Unis a montré l’exemple en retirant ses fonds placés dans les énergies fossiles.

Le pape ne s’est pas aventuré sur la question de la surpopulation

La démarche du pape correspond à un espoir : celui de ne pas laisser se poursuivre une démarche qui met en péril l’humanité entière et surtout les plus démunis, ceux qui n’ont aucune possibilité de se protéger. On peut regretter cependant que le pape n’ait pas abordé également la question de la croissance démographique et de la surpopulation — un des principaux problèmes en relation avec l’avenir de la vie sur la terre — et son pendant : le contrôle des naissances. On peut profiter de l’occasion pour formuler un souhait : que les différentes religions s’impliquent d’une façon beaucoup plus active sur le terrain écologique. Leur influence conjointe pourrait jouer un très grand rôle. Le danger global peut être l’occasion d’une campagne œcuménique par laquelle les humains joindraient leurs efforts pour sortir de ce pétrin environnemental. On peut espérer…