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Ondes gravitationnelles : une nouvelle astronomie est née …

Publié le 19 février 2016 dans Le Point.fr
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Einstein les avait prédites, mais il pensait aussi qu’on ne pourrait jamais les détecter. Désormais, nous disposons d’une nouvelle fenêtre sur l’Univers.

Albert Einstein
Albert Einstein en 1921. © Domaine public

Elle était attendue depuis des décennies. Il y a de quoi célébrer l’évènement … Voilà l’histoire : en 1917, Albert Einstein, grâce à sa théorie de la relativité, prévoyait l’existence d’un nouveau moyen de communication entre les astres appelé ondes gravitationnelles. Mais il prévoyait aussi que ces ondes seraient trop faibles pour être jamais détectées. C’était compter sans l’astucieux génie des humains quand ils s’y mettent : maintenant c’est fait. Et un large boulevard de connaissances s’ouvre devant nous.

La recette pour faire des ondes gravitationelles est simple. Chacun peut en faire simplement en faisant des moulinets rapides avec un bâton ! Plus exactement : tout corps massif en mouvement accéléré produit des ondes gravitationnelles qui se propagent dans l’espace comme la lumière et à la vitesse de la lumière.

Rapides donc, mais avec une intensité extrêmement faible. Par exemple, la quantité d’ondes gravitationelles produites par la rotation de notre planète suffirait tout juste à tenir allumée une ampoule de votre maison. On voit la difficulté de percevoir, grâce à ces ondes, la présence de corps situés à des distances astronomiques … Aussi les évènements susceptibles d’être détectés par ce moyen tiennent-ils du gigantisme : des explosions stellaires, des astres en collision ou en rotation binaire, des couples de trous noirs en interaction. Et, bien sûr, le mystérieux Big Bang lui-même.

Que pouvons-nous espérer apprendre avec ce nouveau canal de communication ? On peut comparer la situation avec celle de notre corps humain. Nous percevons le monde avec nos sens : la vue qui utilise la lumière, l’ouïe qui se sert des ondes sonores, l’odorat qui détecte les molécules dans l’air. Chacun de nos sens nous apporte des renseignements différents sur le monde qui nous entoure. C’est en intégrant toutes ces informations dans notre cerveau que nous percevons au mieux la réalité. Et plus il y en a, mieux c’est !

Une troisième fenêtre

Les astronomes utilisent traditionnellement la lumière émise par les astres sous forme de photons d’énergies variées, détectés par les télescopes et les spectroscopes. Pratiquement toutes nos connaissances astronomiques nous parviennent via ce canal d’information.

Il y a une cinquantaine d’années, une nouvelle astronomie a débuté, basée sur la détection des neutrinos, des particules élémentaires bien discrètes, émises en abondance par les étoiles et particulièrement difficiles à détecter. Les télescopes à neutrinos sont de gigantesques réservoirs contenant des liquides sensibles à ces particules. Ils sont profondément enfouis sous terre pour éviter les signaux parasites.

Les télescopes à ondes gravitationnelles sont des structures qui s’étendent sur plusieurs kilomètres, d’abord en plein air, puis, plus tard, lancées dans l’espace.

L’astronomie gravitationnelle dont nous célébrons la naissance aujourd’hui est une troisième fenêtre ouverte sur notre fascinant univers.

Qu’apprendrons-nous par ce canal ? Certainement des choses excitantes ! Affaire à suivre de près ces prochaines années.