Hubert Reeves
entre ciel et terre

Astrophysicien mondialement réputé, auteur de dix-sept ouvrages, humaniste et homme de culture, Hubert Reeves est un personnage aux multiples facettes. Nous avons rencontré ce scientifique exigeant qui, depuis quelques années, s'implique fortement dans la défense de la nature et de l'environnement.
Mal de Terre Hubert Reeves avec Frédéric Lenoir Editions du Seuil, Science ouverte, 2003.

H

ubert Reeves reçoit dans son appartement parisien, un lieu sobre, apaisant, à l'image de son occupant. Situé au dernier étage, ses fenêtres donnent sur un square. Quelques arbres, la perspective du ciel parisien… Ce micro paysage, cet îlot de verdure ressemble à un condensé de l'univers d'Hubert Reeves. L'attachement à la nature, source de beauté mais aussi de vie, la passion pour le ciel, l'astrophysique, le besoin de comprendre et d'étudier l'univers…

Né en 1932 à Montréal, il a étudié la physique dans plusieurs universités canadiennes (Mc Gill) ou américaines (Cornell)… avant d'enseigner à son tour (notamment au département de physique de l'université de Montréal). Conseiller scientifique à la NASA de 1960 à 1965, il est directeur de recherches au CNRS, à Paris, depuis 1965. Sa vie, aujourd'hui, se partage entre l'hexagone et le continent nord- américain. Je suis arrivé en France en 1965, mais je garde toujours un pied de chaque côté de l'Atlantique. Les cours que je donne au Québec, à l'automne, me permettent de profiter de l'été indien. C'est une saison magnifique, les couleurs y sont uniques… Contemplation, mais aussi action. Hubert Reeves a découvert le plaisir de la marche vers 18 ans, dans les Rocheuses canadiennes. J'ai tout de suite été sensible à l'extraordinaire beauté de ces paysages. Des lieux comme le lac Louise sont magiques… Marche, mais aussi glisse. J'ai découvert les plaisirs du ski en dévalant les pentes du Mont-Royal, une colline située en plein centre de Montréal. Je garde de magnifiques souvenirs de ce paysage blanc, des sapins enneigés, de la lente tombée des flocons. Tout cela produit une impression de paix profonde… Le ski, à l'instar de la randonnée, ne s'inscrit pas pour Hubert Reeves dans une démarche de compétition ou de prouesse physique. J'aime profiter des paysages et, lorsque je pratique le ski alpin, j'apprécie par-dessus tout cette impression de voler parfois comme un oiseau…

le besoin de comprendre et d'étudier l'univers

Les oiseaux, auxquels il a consacré un ouvrage — Oiseaux, merveilleux oiseaux (1) — figurent justement parmi les multiples et importants combats que cet homme de science mène ces dernières années dans le domaine écologique. Depuis 2001, succédant à Théodore Monod, Hubert Reeves est président de la Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs*. Cette association, dont la vice-présidente est Nelly Boutinot, a trois grands objectifs : préserver la faune sauvage ; faire reconnaître le statut d'être sensible à tout animal, et en premier lieu aux mammifères et aux oiseaux ; défendre les droits et intérêts des non-chasseurs. La Ligue ROC n'est pas une association dévolue à la connaissance. Nous souhaitons nous emparer des problèmes pour les étudier mais aussi pour faire des propositions et transmettre les aspirations de la société civile (qui n'est pas forcément représentée par les députés) aux ministres. La relative notoriété dont je jouis aujourd'hui permet de donner un coup de pouce à ces dossiers et de donner une plus grande résonance à nos propositions… Envisageant le mot « écologie » dans son acception la plus large, Hubert Reeves, véritable citoyen de la Terre, multiplie les engagements en faveur de la défense de l'environnement. Ambassadeur de l'Observatoire du Saint-Laurent à Montréal, dans le cadre du projet Biosphère, partisan d'un mouvement associatif fort, il s'est engagé, avec d'autres scientifiques, pour l'adoption de la Charte de l'environnement. Dans cette optique, il a adressé par deux fois une lettre ouverte aux parlementaires de France. Originalité et intérêt de la démarche : associer scientifiques, écologistes mais aussi économistes et chef d'entreprises à sa démarche. Au sein du Medef, comme partout ailleurs, la pluralité d'opinions à l'égard des questions environnementales est réelle. On ne doit pas en avoir une vision monolithique. La signature de Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants d'entreprises, le rappelle…

PHOTO : JOHN FOLEY / OPALE

Autre continent, mais même combat : la Guyane. Hubert Reeves a adressé en décembre 2003 une lettre à Madame Roselyne Bachelot alors ministre de l'Écologie et du Développement Durable. Objectif : attirer l'attention sur un territoire qui revêt aujourd'hui une importance particulière. Dotée de la base de lancement de fusées de Kourou, et d'une extraordinaire biodiversité — elle possède une des cinq forêts vierges restantes dans le monde — la Guyane est une fenêtre à la fois technologique et écologique. Elle pourrait conjuguer les efforts technologiques pour explorer l'univers avec les efforts écologiques pour sauver la planète… Nos efforts ont porté leurs premiers fruits : l'orpaillage clandestin est désormais sévèrement réprimé et une charte a été édictée pour cadrer et contrôler l'orpaillage officiel. Chaque petit pas dans le bon sens compte.

L'énergie et la volonté d'Hubert Reeves sont impressionnantes. Lucide mais jamais blasé, enthousiaste, utopiste mais jamais naïf, toujours rigoureux, il communique sa volonté à ses interlocuteurs. Il faut parler et reparler des choses, sans cesse. C'est le seul moyen de les faire exister aux yeux des décideurs de ce monde. Le grand scientifique met sa notoriété au service de l'action, mais aussi de la prévention et de l'information. Il multiplie les conférences et les actions de sensibilisation à destination des plus jeunes. Il faut alerter les enfants… Souvent, ils se mobilisent plus facilement que les adultes… Ces derniers ne sont pourtant pas oubliés, bien au contraire. Hubert Reeves a fait paraître en mars 2003 un livre d'entretiens, Mal de Terre(2), dans lequel il évoque tous les grands enjeux auxquels notre planète est, et sera confrontée. « Notre planète est bien mal en point, dit-il dès les premières lignes. Je suis extrêmement préoccupé par l'avenir de l'homme sur notre planète ». Tout au long du livre, il va évoquer avec rigueur, mais dans un langage fluide et accessible au grand public, les menaces auxquelles l'humanité est confrontée. Réchauffement de la planète, amincissement de la couche d'ozone, pollution des sols, de l'air et de l'eau, extinction des espèces, disparition des forêts, accumulation des déchets chimiques et nucléaires, la liste est malheureusement longue. Toutefois, Hubert Reeves fait preuve d'une grande prudence et d'une extrême rigueur lorsqu'il aborde tous ces points : « Le devoir du scientifique est de jauger avec un esprit critique la mesure des menaces actuelles et de présenter les résultats et leurs éléments de preuve avec la plus grande prudence ». Ce cahier des charges est parfaitement respecté ; il fait de Mal de Terre l'indispensable ouvrage pour comprendre et, espérons-le, réagir face aux grands défis écologiques. Hubert Reeves fait partie de ceux qui donnent envie de continuer la lutte. Grâce lui soit rendue. ●

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* Pour en savoir plus : Ligue ROC : 26 rue Pascal 75005 Paris.
Tél. : 01 43 36 04 72 - www.roc.asso.fr
(1) Éditions du Seuil, Paris, 1998
(2) Éditions du Seuil, Paris, 2003