Hubert Reeves

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Préface parue dans Les Dossiers de La Recherche Nº 21,
au mois de novembre 2005.


EXPLORER LE COSMOS
PRÉFACE
 Hubert Reeves

Une immense
  interrogation

Hubert Reeves
astrophysicien, est directeur de recherche au CNRS. Depuis 1977, il a publié près d'une vingtaine d'ouvrages, dont Poussières d'étoiles (1984), Dernières nouvelles du cosmos (1994) ou Chroniques du ciel et de la vie (2005).
Illustration de l'article© GETTY IMAGES


R

ien de ce qui est humain ne m'est étranger », écrivait il y a plus de deux mille ans le poète latin Térence. Aujourd'hui, à la lumière de nos connaissances scientifiques, nous pouvons ajouter : « Rien de ce qui est physique, géologique, chimique, biologique, astronomique… ne nous est étranger. » Chaque nouvelle acquisition de connaissances, résultat de la recherche, est une avancée dans le vaste projet de décryptage du passé permettant de mieux comprendre comment il se fait que nous soyons ici, maintenant. Des dizaines de milliers de personnes, partout sur la planète, se consacrent à chercher des réponses à cette immense interrogation contemporaine.

Tel est le champ ouvert par ce Dossier de La Recherche. Avec deux ambitions complémentaires : le bilan de l'état actuel du savoir dans plusieurs domaines et celui des développements des techniques de pointe qui nous permettent de poursuivre toujours plus avant les explorations du cosmos dans toutes ses dimensions. Dans ce cadre, on pourra lire l'article de Jean-Pierre Luminet (p. 86) et celui abordant les lentilles gravitationnelles (p. 78).

Nous sommes stupéfaits par la puissance des sursauts gamma (GRB) en provenance des plus grandes profondeurs de l'Univers. Grâce aux informations obtenues par toute une batterie de nouveaux détecteurs sur toute la gamme des longueurs d'onde électromagnétiques, ces phénomènes commencent enfin à dévoiler leurs secrets, comme le raconte Luigi Piro dans « La chasse aux sursauts gamma » (p. 62). Les sources des extravagantes quantités d'énergie déployées pendant de courtes fractions de secondes, les modes de propagation de ces énergies trouvent aujourd'hui des descriptions de plus en plus crédibles. Mais leur rôle précis dans le cadre de l'évolution stellaire et galactique reste encore à préciser.

Il est naturel d'associer dans une même interrogation les phénomènes les plus mystérieux du cosmos et de chercher à imaginer des relations possibles entre eux. Plus ancienne que l'interrogation sur les GRB, il y a la question de l'origine des rayons cosmiques, en particulier de ceux qui concentrent en une seule particule l'énergie d'une balle de golf lancée par un champion. De quels phénomènes extrêmes sont-ils issus ? Les GRB y seraientils pour quelque chose ? Pour détecter et analyser les gigantesques cascades électromagnétiques provoquées par leur impact sur notre atmosphère, une armada de détecteurs, couvrant des surfaces immenses, s'installe aujourd'hui dans la pampa argentine, explique Michel Spiro (p. 68).

La vie n'a pu apparaître qu'après la formation des galaxies, et des atomes dans le cœur chaud de leurs étoiles. Grâce aux grands télescopes en opération et bientôt à ceux qui les suivront (A. Labeyrie, p. 44, et C. Cesarsky sur les projets de grands télescopes au sol, p. 50), les premières phases de la formation des grandes structures dans l'Univers se révèlent progressivement à nos yeux. Ces galaxies, que l'on croyait closes sur elles-mêmes, se montrent socialement très actives. Attirées les unes vers les autres par la force de gravité, les plus proches voisines remontent le courant de Hubble qui tend à les éloigner, se joignent et fusionnent pour former des galaxies plus massives encore. Ces épisodes de coalescences répétées, qui ont une influence énorme sur les taux de formations d'étoiles, se poursuivent encore sous nos yeux (J.-O. Baruch, p. 54). Des rapts d'étoiles ont lieu régulièrement. Comme la belle Hélène, reine de Sparte, emmenée à Troie, on soupçonne la ravissante Arcturus de nos nuits d'été d'avoir été enlevée des nuages de Magellan par notre Voie lactée.

La vie est apparue sur notre planète il y a environ quatre milliards d'années. Les conditions physiques et les évolutions chimiques nécessaires à son élaboration restent encore largement méconnues. Pourquoi ici ? Et pourquoi, apparemment, nulle part ailleurs dans le système solaire ? À mesure que les sondes spatiales observent de plus près les corps planétaires — je pense en particulier à Cassini visitant un à un les satellites de Saturne —, l'extrême contraste entre les images luxuriantes de la surface terrestre et les paysages arides des autres corps du système solaire ne cesse de nous stupéfier.

Les yeux sont aujourd'hui tournés vers Mars (D. C. Catling, p. 8). Plus petite et vraisemblablement moins évoluée physiquement et chimiquement que notre planète, Mars raconte, sous le regard des sondes et des robots, une histoire capable de nous renseigner sur les événements anciens de notre Terre. Y retrouverons-nous des traces de vie, même à l'état de fossiles ?

On a toutes les raisons de penser que les comètes, les météorites et les astéroïdes (P. Michel, p. 17) sont les vestiges les plus anciens de notre système planétaire et qu'à ce titre, leur étude peut nous fournir une moisson de renseignements sur la formation de ce système, moisson qui ne cessera de s'enrichir grâce aux progrès des moyens d'observation à l'échelle du micromètre et bientôt du nanomètre.

Si les espoirs de poursuivre notre exploration du cosmos par des sondes spatiales au-delà du système solaire semblent aujourd'hui assez minces (J.-O. Baruch, p. 12), les télescopes sont tournés vers les exoplanètes découvertes depuis une dizaine d'années et dont les propriétés semblent si étonnantes (C. Cockell, p. 24). Avec toujours cette question lancinante de la possibilité de vie extraterrestre.

Trouverons-nous des planètes habitées par des organismes qui auraient, comme sur la Terre, transformé leur atmosphère primordiale ? De telles informations pourraient nous parvenir dans les prochaines décennies…

H. R.


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