Hubert Reeves

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Article paru dans Sud Ouest, dans son édition de
Saintes/Saint-Jean-d'Angely, le jeudi 29 juin 2006.


SAINT-CÉSAIRE. Hubert Reeves, invité des Entretiens de la préhistoire le 4 juillet, évoquera la vie sur Terre dont l'environnement se dégrade de plus en plus vite

L’homme, danger pour lui-même

L

es Entretiens de la préhistoire 2006 seront concentrés sur une seule journée, le mardi 4 juillet, au Paléosite de Saint-Césaire. L'invité prestigieux de la conférence rituelle sera l'astrophysicien Hubert Reeves.

Hubert Reeves, voilà un savant comme le public les aime. Un look de collègue du professeur Tournesol et un talent fou à faciliter l'entendement des sciences par le public le plus large, une habileté à nous conduire dans les étoiles pour nous faire réfléchir à nous-mêmes, à décrypter le big-bang et aborder le futur.

« L’électeur pourra confronter ce qu’il aura échafaudé à ce que les candidats lui présenteront »

Photo d'Hubert Reeves dans Sud-Ouest du 29 juin 2006
Hubert Reeves fait partie des personnalités à l'origine d'une mobilisation pour préserver la vie sur Terre. Sur le site internet, « chacun, futur électeur ou futur candidat, peut faire son marché, adapter, se faire un programme … »
PHOTO THIERRY DAVID

Le programme

Manifestations gratuites
L'ensemble des manifestations est gratuit, sans réservation.
À partir de 15 h 30, animations et ateliers, marchés préhistoriques. À 18 heures, conférence d'Hubert Reeves, sous Tivoli. À 21 heures, Pascal Picq, comédien entouré de danseurs, raconte l'évolution de l'homme.

Parler de l'homme à l'échelle de l'univers, c'est la spécialité d'Hubert Reeves. Il y ajoute une mobilisation personnelle avec notamment un mouvement citoyen de lobbying sur les candidats à l'élection présidentielle pour préserver le futur de la planète, dont l'objectif cadre avec le sujet qu'il abordera à Saint Césaire : « l'Avenir de la vie sur Terre ». Constatant qu'en quelques décennies les hommes ont détruit davantage d'espèces animales et végétales qu'en de longs siècles, il les invite à inverser le processus. Malgré un emploi du temps chargé, Hubert Reeves a pris le temps de répondre à quelques questions.

« Sud Ouest ». Avec Biodiversité 2007, quels engagements ou mesures majeures espérez-vous ? Ne considérez-vous pas que les politiques ont une vue à bien plus court terme que les scientifiques ?

Hubert Reeves. L'homme (ou la femme) politique est prisonnier d'échéances électorales tous les cinq ou six ans. L'astrophysicien a l'habitude de compter par milliards d'années. Mais nul ne demande aux politiques de prévoir à si long terme, d'envisager déjà, par exemple, la fin du Soleil dans cinq milliards d'années. Mais on sait que les réserves de pétrole, de charbon, d'uranium seront épuisées dans quelques décennies ou siècles … et il faut anticiper, se mettre en ordre de marche vers un futur qui sera forcément différent du passé et même du présent. Avançons dans ce sens, résolument.

Je viens d'évoquer les problèmes énergétiques dont chacun prend conscience. Un autre problème existe dont l'opinion ne s'est pas encore saisie : l'érosion de la biodiversité. Si bien qu'il nous est apparu nécessaire d'ouvrir un site dédié uniquement à ce thème (1). L'enjeu y est décrit par Bernard Chevassus-au-Louis, président du Museum, afin que ce soit un scientifique compétent en la matière qui expose le niveau des connaissances actuelles.

Ce projet est né en novembre 2005 lors d'un séminaire organisé par la Ligue ROC (2) réunissant des personnalités d'horizons divers, toutes soucieuses de l'avenir et désireuses d'agir. Car il y a urgence à agir.

Le 22 mai dernier, le site est devenu réalité. Il s'enrichit de propositions pour de nouveaux outils, de nouveaux instruments, notamment financiers, de nouvelles pratiques de gouvernance, et peut-être de nouvelles instances afin que nous soyons en mesure d'enrayer le déclin sur tout le territoire et non pas seulement dans des espaces protégés ou restreints. Chacun, futur électeur ou futur candidat peut y faire son marché, adapter, se faire un programme … Et surtout l'électeur pourra confronter ce qu'il aura échafaudé à ce que les candidats lui présenteront. Chacun pourra choisir en connaissance de cause, sur ce sujet du moins, sujet qui nous motive et qui me fait répondre à vos questions …

« S’humaniser, c'est devenir plus soucieux des autres, de tout ce qui vit … »

▶L'homme lui-même pourrait-il être l'objet d'une extinction ou son intelligence lui permettra-t-elle de se protéger de ses propres erreurs ? L'homme a une responsabilité dans ce qui arrive mais il peut redresser la barre. On peut changer de cap, décider par exemple de renoncer à des produits chimiques qui éliminent les pucerons des rosiers et favoriser les coccinelles qui se délectent des pucerons. Je veux dire par là que chacun peut faire quelque chose. Bien sûr, les élus ont une responsabilité encore plus grande. Ils sont choisis pour l'exercer.

A ce jour, l'espèce humaine a montré d'extraordinaires capacités intellectuelles ; les sciences et l'art sous toutes ses formes en sont de superbes illustrations. Faire la preuve que nous pouvons rectifier le tir est sans doute possible. Le vouloir est la première étape nécessaire. Notre site veut insuffler cette volonté.

▶Dans le demi-siècle ou le siècle à venir, quel(s) cataclysme(s) pourrai(en)t résulter de l'extinction massive d'espèces vivantes, des changements climatiques ?

Il est une image très simple à garder à l'esprit. Celle de l'abeille qui, butinant de fleur en fleur, les féconde et permet s'il s'agit de fleurs de cerisiers d'avoir des cerises … Sans ce grand service rendu par les hyménoptères, plus aucune cerise. Imaginez : plus aucun fruit ! …

Les micro-organismes du sol, invisibles, méconnus, permettent sa fertilité … Les services gratuits rendus par la biodiversité ne pourraient être effectués sans dépenser des montagnes d'argent … et l'argent fait défaut. D'ailleurs l'argent ne permettrait pas de suppléer à tout ce que la nature effectue. Chaque espèce est à considérer comme indispensable. Ce grand respect du vivant épargnerait de possiblement manquer de tout.

Quant aux tonnes de CO2 déversées dans l'atmosphère, elles contribuent aux dérèglements climatiques. Ne pas déjà prévoir les énergies de remplacement, celles qui sont inépuisables et ne joueront donc pas le mauvais tour de disparaître comme le pétrole, pourrait changer les conditions de vie, pour les faire devenir, ici ou là, insupportables aux Terriens.

▶Vous avez consacré deux de vos chroniques sur France-Culture à cette question « l'humanité s'humanise-t-elle ? » et vous répondiez « oui ». Mais « l'humanité devient-elle plus écologique ? »

S'humaniser, c'est devenir plus soucieux des autres, de tout ce qui vit …


(1) www.biodiversite2007.org

(2) www.roc.asso.fr