Hubert Reeves

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Hubert Reeves et les chasseurs d’oies

Publié le 7 février 2014 dans Le Point.fr

L’astrophysicien explique comment le ministre de l’Écologie a autorisé la chasse aux oies au-delà du 31 janvier, en dépit de la loi.

Oies cendrées
Des oies cendrées volant dans le parc ornithologique du Marquenterre. © DENIS CHARLET / AFP.

Eh oui, le Conseil d’État, la plus haute juridiction de notre pays en matière de justice administrative, a dû, une fois encore, prendre sur son temps précieux pour cause de récidive ministérielle ! Eh oui, la récidive, ça existe et c’est difficile à empêcher. La tentation est forte comme l’histoire qui suit le montre. Désireux de continuer à chasser au-delà de la période actuellement autorisée, des chasseurs d’oies ont fait monter la pression. On peut comprendre : une passion, c’est difficile à contrôler ! Et leurs élus tiennent à le rester. Ah, les élections ! Apparemment, dans le monde politique, l’attrait des bulletins de vote semble aussi irrésistible … Et les oies ne votent pas !

Forcément, la balle passe finalement dans le camp du gouvernement. C’est lui qui décide, et normalement dans le respect des textes légaux. S’il est aisé de se souvenir qu’on peut tuer les oiseaux migrant vers le Sud, il est, ô combien, difficile de se rappeler le texte qui les protège quand ils remontent vers le Nord pour perpétuer les espèces. Plusieurs ministres ont eu, dans le passé, ce genre d’amnésie. Mais le passé est le passé, on ne va pas citer de noms.

Le ministère brouillé avec les dates ?

Revenons au présent : sans tenir compte des textes et d’une jurisprudence solidement établie, notre ministre de l’Écologie, assuré — comme de bien entendu — de la solidarité de tous les autres, a autorisé la chasse aux oies au-delà du 31 janvier et jusqu’au 10 février. Il se pourrait bien qu’au ministère on soit brouillé avec les dates, car la consultation publique préalable à la prise d’arrêté doit durer 21 jours. Elle a commencé le 21..., mais s’est arrêtée le 28 janvier.

Et peut-être (ou sans doute) pour être certain d’exonérer les chasseurs d’oies d’un P-V par la Garderie nationale, l’arrêté a été pris le vendredi 31 janvier, soit le dernier jour de chasse légale … À coup sûr, ces chasseurs d’oies gagnent ainsi au moins les deux jours du week-end. C’est toujours ça de pris et tant pis pour les oies !

C’est le 5 février, après l’examen des recours déposés par les associations, dont Humanité & Biodiversité que je préside, que le juge des référés a suspendu l’arrêté. Avec effet immédiat. C’est une ordonnance exécutoire à laquelle les chasseurs se conforment sans nul doute, en citoyens respectueux des décisions de justice qu’ils sont tous (ou presque). Et bien sûr, comme il est dit dans la Charte des droits et devoirs du citoyen français : « La force publique garantit le respect de la loi et des décisions de justice. »