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Sécurité et profit ne font pas bon ménage

Publié le 15 septembre 2014 dans Le Point.fr

L’astrophysicien s’inquiète du traitement de la bauxite au cœur du Parc national des Calanques, près de Marseille.

Parc national des Calanques
Le Parc national des Calanques, près de Marseille. © Camille Moirenc / AFP

Sécurité et profit ne font pas bon ménage. C’est bien par ces mots que l’on peut caractériser ce qui s’est passé à Fukushima en mars 2011. On se demande comment les autorités d’un pays aussi techniquement avancé que le Japon, avec des scientifiques et des ingénieurs parmi les meilleurs de la planète, ont accepté de laisser construire des centrales nucléaires sur une des terres les plus sismiquement actives avec, comme seule protection, un muret de six mètres de hauteur, sachant, après le tsunami d’Indonésie de 2004, que les vagues peuvent atteindre 30 mètres de hauteur ?

Il semble que cette même sentence pourrait éventuellement s’appliquer en France dans l’affaire des boues rouges — provenant du traitement de la bauxite pour obtenir de l’aluminium — déversées en Méditerranée, à 7 kilomètres au large par plus de 300 mètres de fonds, au cœur du Parc national des Calanques, près de Marseille.

Expertise indépendante

La création de ce Parc fut activement soutenue, en 2011, par l’association Humanité & Biodiversité que je préside. Et il était considéré comme acquis que les rejets de ces boues devaient cesser en 2015. Or, il est question d’en autoriser la poursuite durant trente ans. Certes, ce ne seraient plus des déchets solides, mais seulement des liquides. Leur degré de toxicité crée une polémique. L’industriel le dit nul, les opposants au déversement contestent.

Une expertise indépendante serait bienvenue. On ne peut rester dans l’ignorance des véritables risques courus par le milieu marin, la faune et la flore du parc, dont un des premiers objectifs est précisément de protéger et de favoriser la nature. Un autre argument fait état des risques sociaux que pourrait apporter la fermeture de cette filière : des emplois directs et des sous-traitants seraient menacés.

Le conseil d’administration du Parc a voté : 30 voix pour la prolongation, 16 contre et 2 abstentions. Mais c’est à la ministre de décider. Elle vient de préciser que cette autorisation ne peut être délivrée que par le préfet, au nom de la ministre, au terme d’une instruction menée par les services de l’État qui n’est pas achevée. Il s’avère par ailleurs que des scientifiques prétendent que l’on pourrait se débarrasser autrement de ces liquides. Plusieurs techniques existeraient, plus ou moins coûteuses, et donc générant moins de profit. Une fois de plus, le profit et la sécurité ne font pas bon ménage…