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Rosetta, à la recherche des origines de la vie

Publié le 18 novembre 2014 dans Le Point.fr

La sonde Philae a mis 10 ans à parcourir 6,5 milliards de kilomètres jusqu’à la comète Tchouri afin d’y récolter de précieuses informations.

La sonde PhilaeLa sonde Philae, posée sur la comète Tchourioumov-Gérassimenko, du nom de ses deux découvreurs russes de l’observatoire d’Alma-Ata en 1969, surnommée Tchouri. © ESA/AFP

Depuis plus de quatre milliards d’années, elle orbitait aux limites du système solaire, invisible à notre regard, là où les températures avoisinent le zéro absolu (moins 273 degrés Celsius). Puis quelque chose s’est passé, peut-être une rencontre avec une autre comète, qui l’a projetée hors de son orbite et dirigée vers le Soleil. À la vitesse de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde, elle s’approche donc du Soleil. Elle en fera le tour en se tenant un peu au-delà de l’orbite de la Terre. Puis elle repartira vers l’espace. Quelque part entre l’orbite de Mars et celle de Jupiter, elle fera demi-tour et reviendra vers le Soleil. Elle parcourt son orbite en six ans et sept mois. Depuis sa découverte, on l’a observée six fois. Elle reviendra vers 2021 …

Telle est l’histoire de la comète qui, il y a quelques jours, a pris à son bord la sonde Philae, avec laquelle elle poursuit sa route vers le Soleil. Les comètes sont de petits corps solides qui, comme les planètes, tournent autour du Soleil, mais sur des orbites très allongées. Les dimensions des comètes sont à peu près celles de nos grosses montagnes terrestres, le Mont-Blanc, par exemple. Membres du système solaire, elles se sont formées en même temps que le Soleil.

Plusieurs comètes ont été approchées, photographiées et étudiées par des sondes spatiales. Constituées de glace, d’eau et de nombreuses substances carbonées et silicatées, elles sont noires comme le charbon. C’est sans doute cette composition et cette couleur qui leur valent d’être comparées à des boules de neige sales. En approchant du Soleil, les glaces se subliment, passant rapidement de l’état solide à l’état gazeux. Elles éjectent alors des faisceaux de gaz et de poussières qui rencontrent un vent de particules rapides en provenance du Soleil, appelé le vent solaire. Ce vent entraîne au loin ces matières, constituant, petit à petit, de magnifiques chevelures visibles depuis la Terre. On distingue souvent deux queues différentes, l’une légèrement bleutée, faite de gaz ionisés, et l’autre, blanchâtre, faite de minuscules grains de poussière.

Informations précieuses

Que pouvons-nous attendre des résultats de mesures prises par le robot Philae déposé sur le sol cométaire ? À cause des très grands froids qui règnent là où elles habitent, les comètes sont restées intactes, comme au frigo, depuis les débuts du système solaire. Leur intérêt spécifique vient ainsi du fait que, contrairement aux planètes, elles représentent des exemplaires non altérés de l’état du système solaire à sa naissance. De surcroît, il y a de bonnes raisons de penser que celles qui sont entrées en collision avec les planètes y ont déposé de grandes quantités de substances volatiles, de l’eau et d’autres molécules contenant du carbone, de l’azote et de l’oxygène, éléments essentiels de notre atmosphère et indispensables à la vie terrestre.

Elles apporteront vraisemblablement des informations précieuses, à intégrer dans l’ensemble de nos connaissances sur l’origine du système solaire. Et par là peut-être des données cruciales sur cet immense et fascinant problème de l’origine de la vie, sur lequel, il faut bien le reconnaître, nous savons bien peu de choses. Mission accomplie, donc, et bravo aux organisateurs ! La récolte des informations s’annonce bonne. À suivre avec excitation dans les mois qui viennent. Rosetta restera une source d’informations pour encore longtemps !

Ce beau projet montre qu’il ne faut pas sacrifier la recherche et que l’investissement n’est pas une dépense improductive : puissent les gouvernements continuer encore longtemps à encourager ces aventures fabuleuses !