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Et si notre espèce était éliminée de la Terre ?

Publié le 26 novembre 2014 dans Le Point.fr

Il y a 65 millions d’années, des mammifères ont survécu à la chute d’une météorite. En serions-nous capables si un tel scénario se répétait ?

Astéroïde heurtant la Terre
Représentation d’un astéroïde heurtant la Terre. © Science Photo Library / AWO/AFP

Les études biologiques contemporaines nous ont apporté des données intéressantes sur les conditions nécessaires à la survie et à la pérennité des espèces vivant sur notre planète. Depuis les débuts de la vie terrestre, il y a près de quatre milliards d’années, plusieurs millions d’espèces sont apparues (le nombre exact est très incertain). La grande majorité de ces espèces est aujourd’hui éteinte. Des périodes d’extinction, à différentes époques, ont largement contribué à ces disparitions. Les biologistes en recensent cinq majeures pendant le dernier milliard d’années.

Nous savons maintenant que les espèces qui perdurent sont celles qui savent s’adapter aux changements de conditions climatiques imposés par de grandes perturbations planétaires. Ces perturbations proviennent pour certaines de la tectonique des plaques (d’abord appelée dérive des continents), pour d’autres des variations millénaires de la distance entre le Soleil et la Terre (cycles de Milankovitch), pour d’autres encore des chutes de météorites géantes.

Les tortues existent depuis plus de deux cents millions d’années. Elles ont traversé toutes les crises. À côté de ce brillant palmarès, l’humanité ne semble pas faire bonne figure : après moins de dix millions d’années de présence, nous sommes déjà dans le collimateur de l’extinction que pourrait provoquer la crise écologique que nous avons contribué à faire advenir.

Un exploit de nos ancêtres

Il est intéressant de mentionner ici le grand exploit réalisé par nos ancêtres mammifères d’il y a soixante-cinq millions d’années. Ils ont réussi à survivre aux perturbations provoquées par la chute de la météorite de Chicxulub et à s’adapter aux changements de toute nature qui s’ensuivirent. Rappelons qu’une fraction majeure des êtres vivants, y compris les grands dinosaures, alors maîtres incontestés de la biosphère, y a succombé. Nous devons notre existence à ces petits mammifères qui, eux, ont survécu.

Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour une nouvelle confrontation avec un péril comparable en dangerosité aux cinq extinctions précédentes. Les biologistes parlent de la sixième extinction. Mais elle en diffère profondément dans ses causes. Les malheureux dinosaures n’étaient en rien responsables de ce qui leur tombait sur la tête : un gigantesque caillou de plusieurs kilomètres de diamètre qui errait dans l’espace depuis plus de quatre milliards d’années. Sa course autour du Soleil l’avait malencontreusement amené à rencontrer le sol de notre planète. Les menaces écologiques présentes sont, elles, toutes imputables à notre propre activité.

Aussi, la question se pose : qu’est-ce qui pourrait mettre fin à la sixième extinction et redonner à notre planète sa verdeur ? Il y a deux scénarios possibles. Le premier, l’élimination de notre espèce : la vie reprendrait son cours, mais sans nous … Serons-nous à la hauteur de nos petits ancêtres de la cinquième extinction, de petits mammifères dont les grands singes et nous-mêmes sommes descendants ? Serons-nous, comme eux, second scénario hautement désirable, capables de survivre à la sixième extinction et de profiter encore des bienfaits de l’existence ? Telle est la question urgente qui se pose à nous !