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Pour une intelligence artificielle au service de l’humanité

Publié le 13 août 2018 dans Le Point.fr

Les humains ont toujours mis au point des techniques nouvelles. Aucune n’est bonne ou mauvaise en soi : tout dépend de ce qu’on en fait.

Image d’une campagne contre les robots tueurs
Des armes autonomes, aussi appelées robots tueurs, sont destinées à frapper et tuer, sans l’exigence d’un jugement humain.
© CARL COURT / AFP

Les développements rapides de l’intelligence artificielle (IA) sont devenus une source d’anxiété chez nombre de nos concitoyens. Les immenses possibilités offertes par cette méthodologie laissent prévoir des modifications profondes de notre cadre de vie, donc de notre vie aussi bien sociale que personnelle. Aussi est-il intéressant de tenter de placer cette problématique dans l’histoire de l’humanité.

Les humains sont inventifs. Tout au long de leur histoire, ils ont mis au point un ensemble de techniques nouvelles qui leur ont permis de dominer les forces de la nature et d’améliorer leur sort. Non sans risques !

Ainsi, il y a sans doute plus de quatre cent mille ans que les humains, domptant leur peur des flammes, ont appris à faire du feu. Il peut servir aussi bien à réchauffer l’habitat de la famille qu’à brûler celle du voisin. Aujourd’hui, la maîtrise de l’énergie nucléaire permet la médecine nucléaire, son aide au diagnostic et à la thérapie, mais aussi l’apocalyptique guerre atomique.

Il est probable que cette ingéniosité humaine perdure ! Mais, comme toujours, cela n’est pas sans engendrer quelques problèmes qu’il importe de prendre rapidement en considération.

Un des grands espoirs de l’intelligence artificielle porte sur l’aide apportée aux handicapés. Améliorer ou redonner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la mobilité aux paralysés fait partie de la série de miracles à la portée de cette technique émergente. Pour veiller à ce que, pour respecter la dignité humaine, les bonnes décisions soient prises, et les mauvaises éliminées, il est d’usage de constituer des comités de bioéthique, composés de personnes compétentes et responsables, et rattachés aux instances décisionnelles.

Les robots tueurs

Les avancées technologiques en matière de robots sont spectaculaires, certains sont capables de porter et de livrer des charges lourdes en terrain quasi impraticable… Cependant, une situation particulièrement litigieuse fait parler d’elle ces jours-ci. Il s’agit de la préparation d’armes autonomes appelées robots tueurs. Ces robots sont destinés à frapper et tuer, sans l’exigence d’un jugement humain. Pour marquer les esprits, voici un exemple d’utilisation potentielle : plus besoin de garde-frontière, repéré par un tel robot, tout clandestin serait abattu. Ils seraient déjà conçus aux États-Unis, en Chine, en Israël, en Corée du Sud et au Japon.

En réaction à la menace que de tels robots militarisés feraient potentiellement peser sur l’humanité, un grand nombre de scientifiques et de personnalités des laboratoires d’IA ont récemment uni leurs voix pour en stopper le développement. Lors d’une conférence internationale tenue à Stockholm en juillet 2018, 160 compagnies d’IA dans 36 pays différents (dont la France) et plus de 2 400 personnalités de 90 pays se sont engagées à ne pas participer ni soutenir le développement, la fabrication, le commerce ou l’utilisation d’armes mortelles autonomes.

L’événement était organisé par le Future of Life Institute de Boston, dont l’objet est d’identifier les risques dits existentiels que l’IA pourrait faire courir à l’humanité et de les combattre. Max Tegmark, un astrophysicien du Massachusetts Institute of Technology (MIT), en est un des cofondateurs. L’invitation à rejoindre cette liste pour que l’intelligence artificielle reste positivement au service de l’humanité est ouverte.