Hubert Reeves

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Émission du 27 mars 2004

La concentration de gaz carbonique dans notre atmosphère est en augmentation constante depuis environ un demi-siècle. Cette augmentation provient du fait que l'océan et la végétation qui absorbent normalement les rejets naturels (volcans, érosions des pierres calcaires) ne suffisent plus à la tâche : le taux d'éjection d'origine humaine a largement dépassé leurs capacités. Résultat : la planète se réchauffe parce que ce gaz retient une fraction de plus en plus importante de la lumière solaire. C'est là en résumé, le problème contemporain de l'effet de serre qui ne cesse de s'aggraver depuis quelques décennies.

Quelles pourraient être les solutions ?

On parle bien aujourd'hui de séquestration du gaz carbonique. En peu de mots, il s'agirait de l'extraire de son lieu de production (à la source, comme on dit) avant qu'il ne puisse se dégager dans l'atmosphère et ensuite de le stocker en lieu sûr, où il ne puisse rien endommager.

La méthode la plus simple serait évidemment de planter de nouvelles forêts qui fixent le carbone dans leurs tissus. La Chine, par exemple, s'y emploie activement.

Mais cette solution est à court terme. Les plantes meurent et retournent leurs matières dans l'environnement, et le gaz carbonique repart dans l'atmosphère.

On a aussi projeté de fertiliser le plancton marin avec des additions de nitrates, l'amenant ainsi à absorber plus de gaz carbonique et donc à accélérer l'absorption de ce gaz par la mer. Mais on craint, avec raison, les effets d'une telle opération sur la faune et la flore marine. Ce projet se heurte à une grande résistance de la part des écologistes. De surcroît il semble que l'efficacité de cette technique soit relativement faible face à l'ampleur du problème.

Plusieurs autres techniques sont à l'étude. On pourrait injecter ce gaz dans le sous-sol, par exemple dans les grandes cavités laissées vacantes par l'extraction du gaz naturel. On cherche aussi à développer des méthodes biochimiques par lesquelles ce gaz serait transformé en molécules organiques inoffensives par des bactéries appropriées. Les recherches se poursuivent activement dans ces directions. Si on obtient des techniques qui ne présentent pas de problèmes additionnels, en trouvera-t-on qui auront une efficacité suffisante ? Affaire à suivre.

Mais de toutes façons, l'application de ces techniques ne sera possible que là où les émissions de gaz carbonique se font d'une manière concentrée (centrales thermoélectriques, traitement des déchets par les hautes températures). En fait, une fraction importante (plus de 25 %) du gaz carbonique est émis par le transport routier. C'est-à-dire diffusément sur toutes les routes du monde. Pour cette fraction dispersée à la source, l'idée de la séquestration semble bien peu applicable.

L'utilisation de sources d'énergie qui n'émettent pas de gaz carbonique semble être la solution la plus normale la plus efficace pour rééquilibrer l'atmosphère terrestre et freiner le réchauffement. Il y en a deux sortes : l'énergie nucléaire et l'énergie solaire.

Je dirai dans une autre causerie pourquoi je pense que la solution nucléaire est une mauvaise solution. Et qu'il faut tout faire pour s'en débarrasser le plus vite possible. Ce qui ne signifie pas qu'il faille arrêter tous les réacteurs immédiatement. Et nous reparlerons longuement des sources d'énergie solaire.