Hubert Reeves

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Émission du 18 septembre 2004

Au cours des deux dernières émissions, nous nous sommes questionnés sur l'existence de la vie en dehors de la Terre.

Nous avons d'abord constaté que, pour l'instant, nous ne possédons aucune preuve crédible de l'existence d'êtres vivants extraterrestres. Puis nous avons reconnu que les arguments dits de « bon sens » et de probabilité ne nous sont d'aucun secours pour répondre à cette interrogation.

Nous avons alors développé l'argument de l'homogénéité des structures cosmiques à grande échelle (étoiles, galaxies) et à petite échelle (atomes, molécules) pour suggérer qu'il en est plausiblement de même au niveau des structures de dimensions intermédiaires que représenteraient des organismes vivants.

Aujourd'hui, je vais reprendre une question que posait, vers 1950, le physicien italien Enrico Fermi, pour défendre l'idée que nous pourrions bien être les seuls êtres pourvus d'intelligence dans le cosmos. Fermi s'interrogeait au sujet des extraterrestres : « Où sont-ils ? Je ne les vois pas autour de moi ».

L'idée est simple. Certaines étoiles sont beaucoup plus vieilles que le Soleil. Leurs planètes pourraient donc être habitées depuis plus longtemps que la Terre. Les hypothétiques civilisations qui s'y seraient développées pourraient être beaucoup plus avancées que la nôtre sur le plan technologique. Après quelques décennies de développement des techniques astronautiques, nous pouvons quitter notre sol et explorer la surface des planètes du système solaire : Mars, Saturne, Jupiter. Nous ne sommes pas en mesure de rejoindre les étoiles voisines, mais au rythme où la science et la technologie progressent, nous pourrons sans doute y accéder dans un avenir pas trop lointain (Rappelons qu'à la fin du 19ème siècle, les vitesses maximales atteintes par les véhicules de fabrication humaine étaient de moins de cent kilomètres à l'heure, alors qu'à la fin du 20ème, elles dépassent trente mille kilomètre à l'heure. Quelles seront-elles en 2100 ? en 3000 ?).

À la lumière de ces remarques, l'objection de Fermi s'énonce de la façon suivante : si d'autres intelligences existent, et si elles se sont engagées dans l'industrie astronautique, il n'y a aucune raison de penser que certaines d'entre elles ne sont pas déjà en mesure de visiter et d'explorer le domaine des étoiles et même celui des galaxies. Leurs cosmonautes pourraient en conséquence débarquer sur notre planète et se retrouver parmi nous.

D'où la remarque de Fermi : « Je ne les vois pas : où sont-ils ? ».

Dans ce scénario, quelles pourraient être les raisons pour lesquelles nous n'aurions pas encore été visités par ces extraterrestres ?

Mais avant de répondre à cette question, posons-en une autre : devrions-nous nous réjouir d'apprendre un jour que des visiteurs de l'espace sont capables de débarquer sur notre sol ? Notre curiosité serait grande, bien sûr, d'entrer en contact avec eux, de nous instruire sur leur vision du monde, sur leur philosophie de la vie, et sur leurs avancées scientifiques et technologiques, manifestement bien en avance sur les nôtres puisqu'ils maîtrisent les vols interstellaires alors que nous en sommes encore loin …

Mais, question troublante : quelle serait leur attitude à notre égard ? S'ils arrivent chez nous en conquérants, comme les Espagnols au Mexique, notre sort serait loin d'être enviable. Nous ne serions vraisemblablement pas en mesure de nous opposer avec succès à leurs techniques supérieures. Il faudrait alors compter sur leur magnanimité et leur désir de convivialité. Mais s'ils ressemblent aux humains, et si on se fie aux récits de nos historiens des conquêtes territoriales, cette espérance pourrait bien être vaine …

La semaine prochaine nous nous interrogerons sur les causes possibles de l'absence manifeste, jusqu'ici, de visiteurs extraterrestres.