Hubert Reeves

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Permanence de la vie terrestre

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Émission du 4 décembre 2004

La vie existe sur la Terre, sans interruption, depuis près de quatre milliards d'années. Dans la précédente causerie, nous avons abordé les implications astronomiques et géologiques de cette permanence. Aujourd'hui, nous allons parler du rôle de Soleil.

Rappelons brièvement d'abord ce que nous savons de son histoire : né il y a plus de 4,5 milliards d'années de la condensation d'une froide nébuleuse galactique, il s'est progressivement contracté et réchauffé pendant les premiers dix millions d'années de son existence. Sa lumière est passée de l'infrarouge au jaune, sa couleur actuelle.

Cette contraction initiale s'est terminée quand son cœur est devenu assez chaud pour amorcer la fusion nucléaire de l'hydrogène en hélium (environ 15 millions de degrés). À cette époque, il était moins lumineux qu'aujourd'hui (environ 25 % de moins) et, en conséquence, la chaleur solaire reçue sur la Terre était plus faible qu'actuellement. Il a continué à se réchauffer peu à peu et, trois milliard d'années plus tard, donc il y a environ un milliard d'années, il avait atteint sa luminosité présente. Depuis, sa température est pratiquement constante, et la chaleur reçue de lui sur Terre varie très peu.

Ajoutons que sa surface est le siège d'une importante activité magnétique qui suit un cycle d'environ onze ans. Tout au long de ce cycle, d'immenses taches sombres apparaîssent à sa surface, puis disparaissent. Des éruptions jaillissent spontanément, soudainement, projetant de grandes quantités de matière ionisée dans l'espace. Des particules énergétiques se propagent dans tout le système solaire, jusqu'à la Terre et au-delà, provoquant parfois de graves dommages à la télémétrie et aux installations électriques.

La distance entre la Terre et le Soleil est un autre facteur important dans notre exposé. C'est elle qui détermine la quantité de chaleur reçue du Soleil. L'orbite de la Terre autour du Soleil est pratiquement circulaire ; en d'autres termes, la Terre est à la même distance du Soleil tout au long de l'année. Cela lui assure donc une insolation quasi-constante.

Pas tout à fait, cependant. À l'échelle de plusieurs milliers d'années, ou plusieurs dizaines de milliers d'années, l'orbite terrestre varie légèrement, s'allonge, change d'orientation dans l'espace. On admet aujourd'hui que les périodes de glaciations qui se succèdent environ tous les cent mille ans (la dernière remonte à environ vingt mille ans) résultent pour une large part de ces variations orbitales. Elles génèrent des modifications de l'insolation à l'échelle de plusieurs dizaines de milliers d'années.

L'orbite de la Terre a-t-il toujours eu cette quasi-stabilité ? Les observations des systèmes planétaires extrasolaires nous ont révélé un fait inattendu : l'existence d'un grand nombre de planètes dont les orbites hautement elliptiques les amènent très près, puis les éloignent considérablement de leur étoile centrale. Par conséquent, la quantité de chaleur reçue par ces planètes varie selon leur position par rapport à l'étoile émettrice.

La Terre aurait-elle dans le passé connu de semblables variations ? A priori, ce n'est pas impossible. Mais la permanence de la vie terrestre nous renseigne sur la réponse à cette question : si, à ses débuts, la Terre a connu de grandes variations orbitales, celles-ci se sont fortement amenuisées au fil du temps. L'orbite est quasi-circulaire depuis au moins trois à quatre milliards d'années.