Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Einstein (9)

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Einstein (11)

Einstein (10)

Émission du 26 novembre 2005

Les trous noirs (3)

Nous poursuivons notre étude des populations de trous noirs dans l'univers, dans ce chapitre consacré aux manifestations astronomiques de la théorie de la « Relativité Générale » d'Einstein.

Nous avons parlé, la semaine dernière, d'une première population de trous noirs, dont la masse est voisine de celle du Soleil, et qui sont nés lors de la mort et de l'effondrement d'une étoile massive. De tels astres existent aujourd'hui, par milliards, dans tout le volume de chacune des galaxies.

Nous abordons aujourd'hui la seconde population de ces trous noirs. Elle est constituée d'astres beaucoup plus massifs, atteignant des millions, voire des milliards de fois la masse du Soleil. Leur volume est plus grand que celui du Soleil. On les trouve tout juste situés au centre des galaxies du cosmos. Notre galaxie en possède un, relativement petit ; sa masse est de trois millions de fois la masse du Soleil (certains sont jusqu'à cent fois plus massifs). Il est situé dans la Constellation du Centaure, pas loin de la belle étoile Antares, visible en été, basse sur l'horizon, dans la direction du Sud.

Parce que « notre » trou noir se trouve par rapport à nous dans le plan central de la Voie Lactée, où abondent les nébuleuses opaques, les effets révélateurs de sa présence sont particulièrement difficiles à obtenir. Pourtant, une très belle expérience astronomique nous a récemment confirmé son existence, et permis d'en mesurer plus précisément les propriétés.

Comme les planètes tournent en orbites elliptiques autour du Soleil, plusieurs étoiles décrivent des trajectoires analogues autour de notre trou noir. On a suivi depuis 1988 les mouvements d'une de ces étoiles située à faible distance du centre de la galaxie. Depuis le début de nos observations, elle a parcouru plus de la moitié de son orbite. À une vitesse fabuleuse : alors que notre Terre se déplace à trente kilomètres par seconde autour du Soleil, cette étoile se meut à trente mille kilomètres par seconde, soit un dixième de la vitesse de la lumière, autour du trou noir au centre de notre galaxie …

Les trous noirs d'un bon nombre de galaxies extérieures s'expriment beaucoup plus intensément que le nôtre. Certains sont (indirectement !) responsables d'une luminosité équivalente à celle d'un milliard de soleils. Et sur toutes les longueurs d'ondes : du rayonnement radio jusqu'aux émissions gamma, en passant par l'infrarouge, le visible, l'ultraviolet et le rayonnement X. Ces astres portent le nom de « quasars », abréviation de « quasi-star », parce que, à cause de leur taille très réduite, on les a pris au départ pour des étoiles. D'autres émettent également des jets de matière qui s'étalent sur des millions d'années-lumière, quelquefois torsadés sur eux-mêmes. On pense que ces jets sont émis à partir des régions polaires du quasar, et qu'ils sont guidés par de puissants champs magnétiques corrélés à la rotation du trou noir central.

Mais pourquoi notre trou noir galactique n'est-il pas, lui aussi, source de tels somptueux feux d'artifices ?