Hubert Reeves

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La force nucléaire

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La force faible

Émission du 16 avril 2006

L'existence d'une force nucléaire « faible », distincte de la force nucléaire « forte », n'a été perçue que dans les années 1930, en particulier grâce aux travaux du physicien italien Enrico Fermi.

La manifestation la plus facilement détectable de l'action de la force faible est la transformation des neutrons en protons, et des protons en neutrons. Par ce mécanisme, elle est responsable dans la nature de la transmutation d'un grand nombre de noyaux radioactifs en noyaux stables. À cause de la très grande faiblesse de cette force, ses actions sont très lentes. Alors que la force nucléaire forte accomplit ses réactions en des milliardièmes de milliardièmes de seconde, la force faible met des temps qui vont des millièmes de seconde à des milliards d'années. Par exemple, la désintégration d'un neutron en protons prend en moyenne vingt minutes.

La force faible intervient à plusieurs titres en astronomie. Elle est directement impliquée dans la durée de vie des étoiles : si elle était plus forte, les réactions nucléaires dans les cœurs stellaires seraient plus rapides. Et notre Soleil serait mort bien avant l'apparition des mammifères sur la Terre !

Le comportement des neutrinos est entièrement dominé par la force faible. Elle affecte aussi les quarks. La désintégration d'un neutron passe par la transformation d'un de ses quarks d en un quark u.

Grâce au travail de nombreux physiciens, un chapitre très important de l'histoire de la physique s'écrit en 1972, quand on réalise que force faible et force électromagnétique sont intimement liées. Dans le lointain passé du cosmos, quand sa température dépassait un million de milliards de degrés, l'intensité de la force faible était comparable à celle de la force électromagnétique.

Tout comme les phénomènes, magnétiques et électriques, sont les manifestations d'une seule force, la force électromagnétique, les manifestations de la force électromagnétique et celles de la force faible sont les manifestations d'une force unique nommée « électrofaible ». Dans la foulée de ces succès d'unification des forces de la nature — un rêve constant des physiciens —, un nouvel épisode faillit s'inscrire au début des années 1980.

Une théorie dite de « Grande Unification » prétendait avoir unifié force nucléaire et force électrofaible. Mais les observations n'ont pas permis de confirmer la justesse du pronostic. Des efforts dans cette direction se poursuivent.

Le grand problème reste l'intégration de la force de gravité dans ces schémas unificateurs. Pour la physique contemporaine, cette force, en apparence si simple, la première a avoir été identifiée, reste curieusement une pierre d'achoppement. Nous retrouvons le problème de l'absence d'une théorie quantique de la gravité, obstacle qui nous garde en échec depuis longtemps.