Hubert Reeves

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Les étoiles mortes

Émission du 11 juin 2006

Dans notre galaxie, la Voie Lactée, errent environ dix milliards d'étoiles mortes. Une étoile sur dix a terminé sa vie, et disperse lentement les dernières chaleurs qui lui restent.

Les étoiles, rappelons-le, sont des sphères gazeuses soumises à leur propre poids. Si elles ne s'effondrent pas sur elles-mêmes, c'est qu'elles sont chaudes. La température élevée de leur intérieur engendre une pression thermique qui s'oppose à l'effondrement, et, d'autre part, s'associe à une forte émission lumineuse : Les étoiles brillent.

La lumière émise représente pour l'étoile une perte d'énergie. Les étoiles sont des réacteurs nucléaires qui combinent leurs atomes et les transforment en atomes plus lourds. Avec le temps, les réserves d'énergie que représentent ces atomes s'épuisent, et l'étoile atteint la fin de sa vie active. Elle ne produit plus de chaleur, et n'est plus en mesure de soutenir son propre poids. Elle s'effondre sur elle-même.

Cet effondrement, pourtant, ne se poursuit pas indéfiniment : il est stoppé à un certain volume. Le Soleil, par exemple, verra son rayon passer de un million de kilomètres (aujourd'hui) à environ mille kilomètres (dans cinq milliards d'années). Il ne sera pas plus gros que la Lune.

Qu'est ce qui empêche la contraction de se poursuivre ? C'est la physique quantique qui nous l'a appris : il existe un « principe d'exclusion » découvert par Wolfgang Pauli, qui dit à peu près ceci : deux électrons de même vitesse ne peuvent pas se trouver au même endroit en même temps. Plus exactement, ils ne peuvent pas s'approcher en-deçà d'une certaine distance. Cet effet d'exclusion quantique engendre dans l'étoile ce qu'on appelle une pression « dégénérée » (ce terme ne me paraît pas particulièrement approprié), qui joue le même rôle que la pression thermique auparavant : la contraction s'arrête, et le volume se stabilise.

L'étoile est devenue une « naine blanche ». Nous en avons plusieurs à proximité de notre Soleil, la plus connue étant la compagne de Sirius.

Cela pour les petites étoiles. Pour les grosses étoiles, c'est différent. Le principe d'exclusion s'applique également aux protons et neutrons, et pas seulement aux électrons, mais en vertu de leurs grandes masses, la distance minimale d'exclusion est environ deux mille fois plus faible que pour les électrons. L'effondrement de ces étoiles à leur mort se poursuit jusqu'à cette seconde limite. On a alors une « étoile à neutrons » de quelques dizaines de kilomètres. Les pulsars sont des étoiles à neutrons qui tournent très vite.

Pour les étoiles vraiment très massives (plus de dix fois la masse du Soleil), aucune pression dégénérée n'est en mesure de stopper la contraction. L'étoile devient un trou noir.

Naines blanches, étoiles à neutrons, trous noirs, sont les noms des cadavres stellaires qui hantent les profondeurs des galaxies.