Hubert Reeves

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Haro sur la couche d'ozone

Émission du 26 juin 2004

Nous parlerons, lors des prochaines causeries, du problème de l'ozone, je devrais dire des problèmes de l'ozone. L'ozone nous menace sur deux fronts. Il y a en effet la diminution de ce que nous appelons le « bon » ozone (bon pour nous), et l'augmentation du « mauvais » ozone (mauvais pour nous).

L'ozone est une molécule composée de trois atomes d'oxygène, alors que celle que nous respirons est composé de deux atomes d'oxygène.

L'ozone est présent dans notre atmosphère à deux altitudes différentes. Il y a d'abord la fameuse couche d'ozone située entre vingt et cinquante kilomètres au-dessus de nos têtes. On l'appelle l'ozone de haute altitude ou encore le « bon ozone ». Cette couche intercepte les rayons ultra-violets les plus énergétiques du Soleil. Elle agit comme un véritable parasoleil. Sans cette couche, la vie ne pourrait pas exister à l'air libre sur les continents. Les vivants seraient brûlés, et la surface de la Terre stérilisée.

Il est intéressant de savoir que cette couche d'ozone est relativement nouvelle. Elle n'existait pas aux premiers temps de la planète. Les êtres vivants étaient confinés aux nappes aquatiques, où les couches d'eau leur servaient de protection. À cette époque, notre atmosphère ne contenait pas d'oxygène non plus. Cette molécule, si importante pour la vie, est apparue comme un résultat de la respiration des microorganismes vivant dans l'océan (le plancton marin). Depuis environ deux milliards d'années, l'atmosphère contient une proportion importante d'oxygène. L'ozone se forme alors à partir de l'oxygène par l'effet du rayonnement solaire, et la couche d'ozone s'installe en haute altitude. Son manteau protecteur a permis aux animaux aquatiques de sortir de l'eau, et de peupler les continents (tortues, lézards, et plus tard mammifères dont nous sommes). Pour son effet bénéfique à la vie terrestre, qui a amené par l'évolution au développement de notre espèce, nous l'appelons le « bon ozone ».

On retrouve également de l'ozone à basse altitude, au niveau du sol : nous le déclarons mauvais. Notons pour éviter toute confusion que c'est bien la même molécule. La différence est strictement par rapport à nous : celui d'en haut nous protège, celui d'en bas nous agresse. Cet ozone est produit naturellement par les orages. Il nous arrive de le sentir après un éclair. D'ailleurs le mot « ozone » veut dire « mauvaise odeur » en grec. Mais il est majoritairement produit par l'industrie humaine. Il est formé par les oxydes d'azote et les hydrocarbures émis par les voitures, sous l'action de la lumière solaire. La circulation routière en produit des quantités considérables. Il est ensuite transporté sur de grandes distances par les vents. Il est souvent plus important dans les régions rurales voisines des grandes villes que dans les villes elles-mêmes.

Par son pouvoir oxydant, il modifie la perméabilité des membranes cellulaires et perturbe la photosynthèse et la respiration. Il affecte ainsi la vitalité des arbres ; il entraîne par exemple la décoloration des aiguilles de nombreux pins des forêts méditerranéennes. Sur les humains, il produit une irritation des yeux, de la muqueuse nasale, et de l'ensemble du système respiratoire.

Depuis quelques années, la concentration de cet ozone maléfique est en augmentation constante. L'utilisation des climatiseurs, dans les maisons comme dans les voitures pendant les périodes de canicules, je pense surtout à l'été 2003, accentue le phénomène. C'est là un des principaux problèmes induits par la préférence donnée au transport routier.

On l'appelle « mauvais ozone » à cause de ses effets nocifs sur les vivants … je vous laisse déduire ce qu'il conviendrait de décider en matière de transport …