Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Menaces sur le Gulf Stream

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Haro sur la couche d'ozone

Le méthane

Émission du 19 juin 2004

Le méthane est un gaz composé d'un atome de carbone associé à quatre atomes d'hydrogène. On le trouve dans la nature au fond des régions marécageuses, où il est produit par la décomposition des matières organiques. Il est responsable du phénomène appelé « feux follets », qu'on peut observer par les nuits chaudes d'été sous forme de vacillantes lueurs blanches au-dessus des étangs. Le méthane qui s'échappe au-dessus de l'eau prend alors feu spontanément.

De grandes quantités de méthane existent dans le sous-sol terrestre, en association avec les puits de pétrole. Tout comme le pétrole, le méthane est un sous-produit de la transformation des végétations anciennes au cours des ères géologiques, spécialement de l'époque dite carbonifère, il y a deux cent millions d'années. Il fait partie de l'ensemble des hydrocarbures (méthane, éthane, butane) que nous utilisons sous le nom de « gaz naturel ». Les flammes rouges qui émergent des hautes cheminées au voisinage des puits de pétrole sont le résultat de sa combustion.

Dans notre atmosphère, le méthane vient juste derrière le gaz carbonique dans la liste des principaux contributeurs à l'effet de serre. Il y participe à la hauteur de 5 %.

Sa concentration atmosphérique est cent fois plus faible que celle du gaz carbonique, mais sa capacité à retenir la chaleur solaire est des dizaines de fois plus importante. De plus, il participe à la formation de l'ozone, responsable du smog dans les centres urbains.

Environ 70 % des émissions de méthane dans l'atmosphère proviennent de l'activité humaine, la plupart du temps de l'extraction des carburants fossiles (pétrole), mais aussi des décharges ou encore de l'agriculture (riziculture et élevage bovin).

Sa concentration a triplé depuis le début de l'ère industrielle.

Aux dernières nouvelles, elle semble se stabiliser. Entre 1999 et 2002, des chercheurs ont mis en évidence un plateau dans l'évolution de sa concentration atmosphérique. Cette stagnation s'expliquerait par le recul des activités d'extraction minière, notamment en Sibérie. Mais l'interprétation des résultats pour l'avenir reste difficile. En effet, au contraire du CO² qui persiste dans l'atmosphère pendant des siècles, le méthane a un cycle de vie relativement court de 8 à 10 ans, et son taux de dégradation est fonction de la présence d'autres substances dans l'air, y compris d'autres polluants.

Cependant, une autre menace pèse sur notre avenir : si le méthane contribue au réchauffement, le réchauffement lui-même risque fort de contribuer d'une façon dramatique à l'émission de méthane, et donc à la poursuite de l'accroissement de température. En effet, il existe de vastes quantités de méthane séquestrées dans les sols gelés (pergélisols) des régions arctiques (Sibérie, Canada), ainsi que dans les plateaux sous-marins aux abords des continents. Or, le réchauffement contemporain est particulièrement sensible dans les zones polaires. La température y a augmenté de plus de deux degrés depuis le début du XXème siècle, et la calotte glacée du pôle Nord s'est réduite de plus de la moitié.

La libération progressive du méthane stockée dans le pergélisol, ainsi que celui des plateaux continentaux (à cause du réchauffement de l'océan) pourrait entretenir encore longtemps la croissance de la température, même après l'épuisement éventuel des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) responsables de l'émission de gaz carbonique.

Rappelons cependant que, le temps moyen de séjour du méthane dans l'atmosphère étant relativement court comparé à celui du gaz carbonique qui sévit des centaines voire des milliers d'années, le dommage provoqué par le dégagement de ce méthane naturel pourrait en être moins grave que prévu. Mais n'oublions pas que la climatologie est encore une science pleine d'incertitudes. Il reste que nous n'avons pas intérêt à jouer avec le feu …