Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

La surpêche

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Image de l'univers (suite)

Image de l'univers

Émission du 19 février 2005

Dans ces chroniques, nous allons maintenant quitter notre planète et ses problèmes pour aller explorer le ciel, pour faire, en quelque sorte, du tourisme cosmique.

Grâce aux grands télescopes, en particulier au télescope Hubble, en orbite au-dessus de la Terre, et qui passe au-dessus de nos têtes toutes les cent minutes à environ 600 kilomètres d'altitude, nous avons maintenant des images de l'univers dans ses plus grandes dimensions. On y voit ce qu'on peut appeler un immense archipel de galaxies, qui occupe tout l'espace, comme des îles parsemées un peu partout sur une mer sans fin.

Dans cet espace, les galaxies les plus rapprochées de nous ont des formes de disques qui apparaissent sous différentes orientations. Les plus éloignées se présentent comme des petits points bleus tout juste perceptibles. Elles se situent à plusieurs milliards d'années-lumière. Rappelons qu'une année-lumière correspond à la distance parcourue par la lumière en un an. C'est-à-dire dix mille milliards de kilomètres. Ces petits points bleus sont donc situés à des milliards de fois dix mille milliards de kilomètres. Ces chiffres nous donnent une idée des dimensions vertigineuses de cet univers où nous sommes nés un beau jour … sur une petite planète, autour d'une étoile, dans une des milliards de galaxies …

Ajoutons encore que ces images, fournies par le téléscope Hubble, ne nous laissent voir qu'un partie de l'univers : celle qu'il nous est possible de percevoir, et qu'en conséquence, nous appelons « l'univers observable ».

La question se pose depuis longtemps de savoir si l'univers est infini ou fini. Les Grecs en discutaient déjà il y a plus de deux mille cinq cents ans. Au cours des siècles, les deux points de vue ont été tour à tour défendus par différentes écoles, souvent avec des prétentions à la certitude tout aussi radicales, alors que les argumentations étaient, dans les deux cas, tout aussi contestables.

En termes contemporains on pourrait formuler la question de la façon suivante : une comptabilité des galaxies donnerait-elle un nombre fini, si gigantesque soit-il, ou reconnaîtrait-elle que ce nombre est infini. Dit autrement : cet univers observable, que nous révèlent nos télescopes, représente-t-il une fraction identifiable de l'univers (un millième ? un millionième ?), ou une fraction si infime qu'elle en est nulle dans un univers sans fin ?

Une distinction s'impose ici entre les mots infini et illimité. Notre planète, la Terre, n'est pas infinie : on connaît la dimension de sa surface. Mais cette surface ne possède pas de limites. On peut en faire le tour indéfiniment, sans pouvoir planter de panneaux indicatifs avec les mots « Fin de la Terre ».

De la même façon, on admet aujourd'hui que l'univers est illimité, mais cela ne nous dit pas s'il est infini ou non.

Des indications indirectes, basées sur des observations récentes, dans le cadre des théories les plus populaires de l'astrophysique, favorisent l'idée d'un univers infini. Mais tout cela est encore bien précaire, et sujet à caution. Rigoureusement parlant, nous devons admettre que nous ne savons pas aujourd'hui si l'univers est fini ou infini.