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La surpêche
Émission du 12 février 2005
Je me souviens d'une période, dans mon enfance, où mon père nous parlait de l'océan comme d'une source intarissable de nourriture qui pourrait subvenir aux besoins de l'humanité pour des temps infinis. Depuis cette période, la situation a bien changé. Grâce aux progrès des techniques de pêche, l'efficacité des pêcheurs a atteint des sommets inimaginables il y a quelques décennies auparavant. Les bancs de poissons sont localisés par divers procédés de télémétrie qui transmettent aux bateaux les informations les plus précises. Des filets de plusieurs kilomètres rasent les fonds marins et en ramènent tout ce qui s'y trouve. Résultat : la mer se vide rapidement. Les pêches y sont en régression inquiétante, qu'aggravent les changements climatiques.
Nous sommes ici face à une situation qui nous est de plus en plus souvent évoquée concernant les ressources naturelles. Les humains se sont comportés jusqu'ici comme si la Terre était infinie, comme si ses ressources étaient inépuisables. Exemples : le pétrole, le charbon, le gaz naturel, l'eau douce et les terres arables. C'est maintenant l'heure de vérité.
À l'échelle de la planète, la surexploitation de certaines populations atteint des niveaux graves, proches de l'épuisement. La pêche de la morue est pratiquement interdite depuis une décennie sur les Bancs de Terre-Neuve où elle s'exerçait depuis des temps immémoriaux.
La prise de conscience des conséquences de la surpêche à l'échelle mondiale n'est pas nouvelle. Plusieurs chercheurs s'en étaient déjà alarmés, sans grand succès, face aux corporations de pêcheurs, qui y ont vu (avec raison) une menace à leur négoce, à leur mode de vie.
Les ministres de l'Union Européenne ont, au prix de grandes difficultés, réussi à faire adopter une politique commune de la pêche qui limite l'efficacité et la puissance des flottes de pêche : démarche de bon sens. Pourtant, au niveau des quotas de prises acceptables, cette politique ne protège nullement les espèces les plus (sur)exploitées comme le merlan, le merlu, la sole… Seule la pêche de la morue est limitée, or, selon un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), même cette limitation est bien trop faible pour améliorer la situation et permettre aux populations de se régénérer.
Une réflexion bien conduite sur cette situation doit prendre en considération tous les aspects du problème, pour éviter la radicalisation des points de vue. Deux réalités sont en confrontation :
- le point de vue, disons « local », des pêcheurs qui veulent continuer à vivre convenablement et qui sont tributaires des revenus que leur fournit la pêche,
- le point de vue, plus global, des défenseurs de la nature qui s'inquiètent de l'avenir de la vie sur la Terre.
Il importe que les limitations de pêche, et toutes autres contraintes, ne soient pas perçues comme imposées « d'en haut », par des arrêtés de la commission européenne, par exemple. Même si leur objet est éminemment raisonnable, les « diktats » sont toujours des erreurs amenant souvent des réactions radicales. Les pêcheurs, comme toute corporation, n'accepteront des compromis que s'ils sont persuadés de leur incontournable obligation, dès aujourd'hui, pour garantir, demain, le maintien de leur profession.