Hubert Reeves

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Un univers infini ?

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Émission du 16 juillet 2005

La fascination qu'exerce sur les humains la question de la dimension de l'univers, et particulièrement la possibilité qu'il soit infini, n'est pas près de s'éteindre. Dernièrement, nous avons parlé des positions véhémentes, soit dans un sens, soit dans l'autre (univers fini ou univers infini), prises au cours des millénaires. Pour certaines personnes, l'idée même d'un univers infini est impensable, pour ne pas dire absurde.

Personnellement elle me plaît assez : je me sentirais à l'étroit, je souffrirais de claustrophobie dans un univers fini !

Tout cela pour dire, et répéter, que nos réactions affectives face aux dimensions de l'univers n'ont aucune importance scientifique. L'univers n'a que faire de nos états d'âme face à sa nature et à ses dimensions. Il est ce qu'il est, c'est à nous de le découvrir et de nous y adapter, quel que soit son degré d'étrangeté. Un ami, à qui un groupe de philosophes affirmait que la théorie du Big Bang est « philosophiquement inacceptable », a répliqué, avec beaucoup d'à propos : « Et pourtant, elle tourne », opportune allusion à la fameuse réponse de Galilée aux inquisiteurs dominicains voulant l'obliger à renier ses affirmations au sujet du mouvement de la Terre dans l'espace.

Le scientifique doit chercher à cultiver une grande modestie quant à ses propres capacités. Ses opinions ou convictions ne peuvent en aucun cas servir de normes. Au contraire, elles pourraient être de puissants freins à une interprétation et à une appréciation correcte de nouvelles observations. L'histoire des sciences montre de nombreux exemples de situations où les préjugés d'une seule personne ont longtemps bloqué le développement de la recherche scientifique, quel que soit le domaine considéré.

Lorsque nous explorons des phénomènes et des dimensions bien au-delà de celles de nos perceptions habituelles, il n'est pas anormal que, dans le domaine atomique, par exemple, ou dans le domaine cosmique, notre intelligence et notre imagination soient confrontées à des réalités extravagantes. C'est un grand facteur d'évolution car, en cherchant à s'adapter aux messages convoyés par de nouvelles observations, nos facultés se développent, s'enrichissent, et se préparent à la réception et à la compréhension d'objets mentaux plus mystérieux encore.

Un scientifique anglais, le Prix Nobel John Eccles, disait : « le monde est non seulement plus étrange que nous l'imaginons, mais beaucoup plus étrange que ce que nous sommes en mesure d'imaginer ».

Confrontons notre faculté d'imaginer au sujet qui nous occupe aujourd'hui : les dimensions du cosmos. Si l'univers est infini, comment pourrions-nous le savoir, et le démontrer ? On ne peut observer que des choses finies, dénombrables, pouvant faire l'objet d'une mesure numérique.

Au mieux, on pourra affirmer :

L'infini ?

C'est tout autre chose, qui dépasse notre pouvoir d'imagination.