Hubert Reeves

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La déforestation

Émission du 5 juin 2004

L'influence de l'espèce humaine sur les forêts du globe ne date pas d'hier. La déforestation a commencé il y a environ dix mille ans. C'est le moment où les hommes ne se nourrissent plus seulement des produits de la chasse et de la cueillette des plantes sauvages, et inventent l'agriculture et l'élevage des animaux en captivité (bovins, ovins). En termes techniques, c'est le passage du paléolithique au néolithique. On coupe les arbres et on aménage des clairières pour faire place aux cultures et aux pâturages. Bien que localement très intensive, cette opération ne touche cependant que certaines aires de la planète, surtout les régions de climat tempéré : Moyen-Orient, Europe, Inde, Chine.

Depuis cinq cents ans, cette activité s'est étendue et intensifiée avec la colonisation des territoires vierges par les puissances européennes, et le développement des techniques d'exploitation forestière.

Si, dans les régions tempérées, la coupe des arbres s'est beaucoup ralentie depuis le début du 20ème siècle, l'exode rural et l'abandon de nombreuses fermes ayant entraîné un reboisement des terrains autrefois cultivés, tel n'est malheureusement pas le cas dans les territoires équatoriaux (Amazonie, Indonésie, Afrique Centrale) où la déforestation se poursuit à un rythme effarant. Les principales causes sont les cultures sur brûlis, les « coupes à blanc » amenant des profits rapides, ainsi que la pression démographique exigeant toujours de nouvelles zones d'habitation.

On estime aujourd'hui que plus de la moitié du manteau forestier de notre planète a disparu. En Amazonie, par exemple, pour faire place a des pâturages, un territoire équivalent à celui de la France a été déboisé en à peine 25 ans. Les observations faites à partir des satellites montrent clairement, d'année en année, l'étendue de la déforestation.

Le réchauffement de l'atmosphère est également responsable de la diminution des arbres. Une longue sècheresse en Indonésie, vraisemblablement causée par l'effet de serre a été une des causes indirectes des gigantesques feux de forêts dans cette région, il y a quelques années. On prévoit que ce réchauffement climatique, de 2 à 5 degrés au cours du siècle actuel, va entraîner une forte hausse des feux de forêts au Canada et en Sibérie, provoquant un déboisement progressif jusqu'à la limite boréale des arbres.

La déforestation a des effets hautement nocifs sur l'air par l'émission de gaz carbonique résultant de la combustion du bois ou de sa décomposition. Elle affecte aussi la qualité de l'eau qui s'écoule dans les bassins versants.

Heureusement, des signaux encourageants nous parviennent, montrant que ce problème est maintenant reconnu et que des actions positives sont programmées. De bonnes nouvelles nous arrivent de Chine et d'Espagne où de vastes plans de reforestation ont été entrepris ces dernières années. Le Brésil vient de créer, à la limite de la frontière de la Guyane, un parc national de la dimension de la Belgique. Il faut pourtant préciser que ce territoire protégé ne correspond qu'à environ 1 % de la forêt amazonienne et que le reste est encore hautement menacé. Cependant, chaque petit pas est à saluer.

De même la Guinée Équatoriale vient de un créer un Institut de développement forestier pour « promouvoir et garantir les ressources forestières pour leur utilisation rationnelle et durable ».

Rappelons que la France possède dans ses territoires quelques-unes des forêts équatoriales les plus riches de la planète. Je pense en particulier à la Guyane aujourd'hui bien maltraitée par les chercheurs d'or (les orpailleurs). Il faudrait de toute urgence que des mesures soient prises pour protéger ces lieux si riches en biodiversité.

Dernier point trop souvent ignoré : il importe que les populations locales soient partie prenante de la gestion de ces lieux en tant qu'acteurs responsables. À ce prix seulement ces gens s'intéresseront à cette opération et assureront son efficacité …