Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Einstein (13)

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Dirac et l'antimatière (1)

Einstein (14)

Émission du 24 décembre 2005

Cosmologie

La carrière d'Einstein a été intimement liée au développement de la cosmologie contemporaine. Il y a contribué d'une façon majeure. Mais, là aussi, la puissance de ses convictions lui a parfois joué de mauvais tours.

La théorie de la Relativité générale, formulée en 1917, est une théorie de la gravité qui peut s'étendre à l'univers tout entier. La théorie de Newton, formulée au 17ème siècle, était déjà une théorie de la gravité, mais son champ d'application ne dépassait guère les dimensions du système solaire. Newton avait vainement tenté de l'appliquer à l'ensemble des étoiles du ciel ; c'est Einstein qui a réussi cette généralisation.

Einstein croit que l'univers est de dimension finie et, de surcroît, qu'il est statique, c'est-à-dire éternel, sans début ni fin. Comme les penseurs grecs de tendance « apollinienne », il refuse les notions de démesure et d'infini.

Quelle surprise pour lui quand il découvre que les équations de sa théorie semblent impliquer la possibilité de mouvements globaux dans l'univers, de l'univers ! Contraction, expansion, les deux sont possibles. Pour compenser ces mouvements, et stabiliser l'univers, il invente un nouveau terme mathématique : la « constante cosmologique » qui va être l'objet de nombreuses et surprenantes péripéties.

Ce fut peine perdue. Pour deux raisons :

Vers 1928, Georges Lemaître, chanoine belge, élabore la théorie de l'atome primitif. Cette théorie, qui introduit l'idée d'un début torride et d'une expansion continue du cosmos, préfigure le Big Bang. Einstein réagit mal. Il écrit : « Vos mathématiques sont correctes mais vos idées sont abominables ». Mais, plus tard, il s'inclinera devant l'accumulation des observations. Il adoptera la nouvelle cosmologie. Il y participera lui-même.

Nous avons là un exemple de la puissance des convictions — potentiellement tout aussi positive que négative —. Dans le cas d'Einstein, puissance positive, parce que ses convictions l'ont amené à la cosmologie, mais aussi puissance négative, parce qu'en s'obstinant dans sa conception d'un univers statique, il a refusé d'écouter la sagesse de ses équations. Il aurait pu découvrir théoriquement l'expansion du cosmos dix ans avant sa confirmation observationnelle. Einstein croyait à la fois trop et pas assez à la puissance des mathématiques appliquées à la réalité.

De sa constante cosmologique, il dira lui-même plus tard : « C'est la plus grande bévue de ma carrière ».

Malgré son désir d'en finir avec elle, la constante cosmologique renaîtra plusieurs fois de ses cendres. On l'évoque aujourd'hui pour rendre compte du fait que, non seulement l'univers est en expansion, mais que cette expansion est elle-même en accélération …